Plusieurs de mes amis s’étonnent lorsque je parle de l’ambiance soviétique qui règne autour de moi. On ne la ressent pas forcément sur mes photos simplement parce que il est délicat de l’imager. J’ai trop de respect et de compassion pour ceux qui souffrent pour oser les caricaturer sur mon blog, par exemple ces hommes en désespérance, déshumanisés par l’alcool, que je croise chaque jour titubants dans les rues ou le long de la piste... Victimes du passé soviétique ils avaient un temps cru au libéralisme occidental, mais très vite ils ont déchanté…
Depuis 1999 je sillonne ou séjourne dans pas mal de pays de l’ex-URSS et jamais je n’ai osé photographier ce qui me dérange le plus, je ne peux pas. Depuis 5 ans que j’y réside presque en permanence je prends chaque jour un peu plus conscience que la vraie misère post-soviétique est surtout dans les cerveaux et crois moi, c’est usant de vivre dans cet univers et il faut un moral d’acier pour tenir le coup. C’est surtout en milieu rural qu’elle sévit le plus; Riga la capitale n’est pas très représentative puisque elle est “plutôt de dominance russe”, ce sont souvent eux qui ont le fric, plutôt cosmopolite et les salaires y sont (y étaient avant la crise ?) sans doute plus stimulants qu’en province.
Voici un extrait du discours que j’ai prononcé le 9 avril à Paris à l’hôtel d’Orsay à propos de ma mission au village d’enfants:
“ (…) Un autre point important et non le moindre: les hommes responsables. C’est essentiel et quasi introuvable dans ce contexte rural encore empreint d’un lourd passé soviétique. En 2003-2004 alors que le dossier de présentation du projet de la ferme pédagogique était presque achevé, Christophe Alexandre m’a dit : Inutile de mettre en route ce projet si tu ne viens pas vivre sur place, l’homme responsable que tu as prévu dans ton plan, nous ne le trouverons pas ici. Il savait de quoi il parlait. J’en ai fait ma propre expérience et je suis confronté à ce problème pratiquement chaque jour.
Le système soviétique a dénaturé l’Homme, déstructuré son cerveau. Il a perdu le sens des responsabilités, le sens de l’engagement, l’esprit d’initiative, l’esprit d’entreprise. Je suis heureux que nos enfants aient la possibilité d’aller voir ailleurs, soit dans leurs familles d’accueil, soit en formation. Il faut les sortir de cet engrenage de la misère.
Je tiens à continuer à participer à ce projet, c’est un peu mon projet aussi, son aboutissement est proche mais il ne sera effectif que lorsque nous aurons déniché et installé une personne responsable de la ferme pédagogique, de préférence autochtone. Pourquoi pas un de nos jeunes ? Plusieurs y ont déjà quelques responsabilités mais manquent encore d’expérience pour prendre la direction.(…)”
Petite balade en ce dimanche matin ensoleillé dans quelques rues de Cesvaine, 2999 habitants plus 1 immigré, moi:
Commençons par le “Centrs” où se trouvent les commerces.
L’hôtel de Policija repeint à neuf:
L’ancienne Pasts (Poste) en bois, devenue bureau d’assurance d’un coté et magasin de chaussures de l’autre. A côté, la pharmacie et divers bureaux y compris le club du troisième âge nommé “Club des Dames de Cesvaine” simplement parce que les hommes arrivent rarement à l’âge de la retraite…
Ici je devine un salon de massage. Plus loin la dentiste. Pour 15€ tu as un plombage et pour 50€ une prothèse. Je crois que la prochaine fois, c’est là que j’irai. En France j’ai fait refaire une dent cet hiver: 680€ de ma poche, sans compter ce que me rembourse la sécu ! du racket !!!
L’école internat à quelques dizaines de mètres de ma soviet-résidence. Plus loin les immenses tours qui nous inondent d’ondes hertziennes.
Le kiosque où l’on trouvait de tout même les journaux, est à vendre depuis un an ou deux…
Le bar-restaurant Kuilis, le seul resto de la ville, l’autre “Sesswegen” semble fermé depuis la crise. Les gens n’ont pas les moyens d’aller au resto pourtant ici ce n’est vraiment pas cher… Juste à côté, les étals du marché mais il n’y a pas de marché… C’est un repaire pour les jeunes qui viennent en meute s’alcooliser le soir. Prendraient-ils le même chemin que leurs aînés ? Heureusement nos enfants de Grasi sont éloignés de cette ambiance mais il faut être sans cesse vigilant, ce sont leurs camarades de classe…
Upite (ruisseau) qui traverse la ville se nomme Sula (prononcer Soula) tout un programme… A l’eau ferrugineuse, bien entendu !
Le soleil et la verdure masquent la dégradation de ces soviet-immeubles insalubres qui chez nous seraient abandonnés et démolis depuis longtemps. Oups, c’est la fenêtre d’un appartement qui appartient à la fondation du village d’enfants et je remarque seulement maintenant l’état de la façade…
Une vue de l’église luthérienne et de ses cigognes, depuis le centre ville.
Bon, c’est tout pour aujourd’hui, je rentre chez moi…