A la demande générale d'une lectrice francophone qui ne comprend rien au letton (qui est pourtant simple), voici l'original de la traduction parue le 11 décembre. Il s'agit d'un texte que j'ai écrit et déjà publié en mars dernier mais qui a été "amélioré" pour la traduction afin de le rendre lisible à toutes les Lettones des forêts.
Avant propos:
Voici un extrait de mon « Journal d’un Paysan de Gers en Lettonie » que je poursuis chaque jour sur Internet depuis mars 2005, date depuis laquelle je réside en Lettonie pour créer une ferme pédagogique en agriculture biologique, au village d’enfants de Grasi à Cesvaine.
Mon amour pour ce pays:
J'ai envie de te faire partager un peu plus de mon amour (amour que j'ai traduit à ma façon, bien entendu) pour ce pays qui m'a envoûté dès que j'y posé les pieds pour la première fois en juillet 1999. Mes amis lettons ou plutôt mes amies lettones qui me lisent régulièrement savent bien que si je me permets de plaisanter souvent à leurs dépends, c'est parce que je les aime bien. D'ailleurs, il n'y a que trois ou quatre trucs qui me déplaisent dans ce pays: l'hiver trop long, la viande industrielle, les patates et l'aneth, sinon pour le reste, manque juste un brin de sourire et ce serait le paradis. Je sais que l'histoire de la Lettonie, rarement heureuse très longtemps, a rendu les Lettones sensibles lorsqu'on aborde le sujet de leur identité fragilisée par l'arrogance des dominateurs successifs.
Ecrivain français et ethnologue amateur:
Si j'ai choisi de vivre en Lettonie, c'est entre-autre pour mieux étudier ce petit peuple, mieux l’observer car je suis convaincu que son savoir-vivre en harmonie avec la nature sera très bientôt notre Arche de Noé des temps modernes. Aujourd'hui je me décide à divulguer les premiers éléments fondamentaux de mon étude discrète, réalisée au fur et à mesure de mon intégration dans leur groupe ! Pas toujours évident de se faire accepter, elles sont méfiantes car elles savent bien d'où je viens, de ce monde artificiel en péril, et elles ne voudraient pas que je sois porteur du virus de la croissance qui est entrain décimer une partie de la planète. Elles ont sans doute raison et c'est à moi de faire l'effort d'entrer peu à peu en confiance pour leur prouver ma bonne foi car je leur voue une véritable admiration. Pour cela, je dois bien comprendre comment fonctionne leur organisation sociale, leur culture, leur cerveau et leurs anticorps. Comme ailleurs dans d'autres civilisations ordinaires, le respect, le partage, la tolérance et l'humilité sont les meilleurs moyens de s'intégrer.
Les Lettones:
Aujourd'hui j'ai choisi de te faire connaître une autre facette de ce petit peuple féminin. Je veux lui rendre hommage, il a tant de choses vitales à nous réapprendre en chantant. Les femmes lettones sont un des éléments indissociables de l'harmonie qui permet la vie sur terre, filles de "Mère Nature" elles font parties de cet organisme vivant, au même titre que l'air, l'eau, la terre, le feu, le règne végétal ou animal. Mère Nature étant un organisme complexe qui, comme chacun le sait, doit en permanence veiller à préserver son fragile équilibre au risque d'une rupture comme cela est entrain de se produire dans les pays civilisés par le fric et qui polluent les autres sans défense.
Peuplade primitive:
Les Lettones font parties des ces rares peuplades primitives qui ont su résister durant plus d’un millénaire à toute une succession de colonialismes féodaux, cela ne fit que renforcer leur esprit identitaire et elles sont passées non sans souffrance à travers les siècles, portant à bout de bras leur culture, leur langue, leurs dialectes, leurs chants, leur poésie, leur sens artistique et leurs coutumes étroitement liés à la Nature : De l'héroïsme ! Et pourtant, dans leur propre pays, elles ne représentent plus que 75% de la population, soit moins de deux millions d'habitants y compris mâles et rejetons, les autres résidents provenant des séquelles d'invasions.
La peuplade:
Elle est elle-même divisée en deux groupes: les Lettones de Riga et les Lettones des forêts. Les premières étant plus facile d'approche, nous étudierons donc celles des forêts, moins évidentes à cerner. Mais l'aventure me plait, étant moi-même issu du rural et de plus, je ne trouve aucun intérêt à observer des sociétés citadines provisoires...
Dainas
Les Lettones sont porteuses d'un grand message intercontinental "Les Dainas" transmis par une culture poétique et intemporelle venue de la nuit des Temps. Aucun envahisseur ne put les déchiffrer et ce n'est que dans les années 1920-1940, années bénies de l'éclosion de la République de Lettonie, que furent rassemblés et retranscrits ces millions de petits savoirs vitaux pour l'humanité toute entière. Mais les comprenons-nous pour autant ?
Eternelles et incontournables lois de la nature
Décryptées durant des millénaires et transmisses oralement de mères en filles par les Dainas. Les Lettones ont amené jusqu'à nous des évidences que nous avions reniées puis oubliées ces derniers siècles, entrant peu à peu dans la dépendance de la société décadente du gaspillage. Mais que peut bien signifier le message des Dainas pour un ignare consommateur occidental ? En nous plaçant directement dans le contexte, ces poèmes courts nous entraînent dès les premières rimes, dans les profondeurs de "Mère Nature" avec l'aide de "Saule", La Soleil, divinité féminine centrale toujours présente dans la culture lettone, surtout lorsqu'il fait beau.
"Saule a mené ses chevaux
Se baigner dans la mer ;
Elle est assise sur la colline,
Les rênes d’or à la main."
"Où emportes-tu ta maison, Saule,
Le soir en te couchant ?
Au milieu de la mer, sur l’eau,
A la pointe d’un roseau d’or."
Les Lettones des forêts:
Vivant sous de petites huttes de bois dans les clairières des grandes forêts, elles aiment le grand air frais et grâce à cela, comme les sapins du Nord, leurs traits sont très fins et leurs mines resplendissantes ! Lorsque tu pénètreras pour la première fois dans la forêt lettone pour y venir en formation, car c'est là que se trouvent les savoirs qui vont nous réapprendre à vivre, tu seras étonné(e) au bon sens du terme, de constater et c'est hallucinant pour les gens du Sud et les Occidentaux machos, que tout fonctionne grâce aux femmes. Et en plus ça marche bien, naturellement et sans quota ! En plus d'être belles, elles sont intelligentes !
Mère-Nature:
Cette peuplade féminine est très bien structurée et vit de cueillette, elle n'a pas peur des disettes parce qu'elle connaît très bien Mère-Nature, la respecte, la vénère même, acceptant ses cadeaux et en contrepartie protégeant ses secrets. Elle sait qu'elle n'a rien à attendre des hommes, sa subsistance elle la doit à son courage, sa persévérance et sa connaissance approfondie de tous les éléments qui l'entourent. Selon les saisons, les Lettones des forêts trouvent leur nourriture composée de baies sauvages qui leur permet de diversifier et vitaminer l'alimentation industrielle aux normes (douteuses puisque occidentales ?) des jours ordinaires."Tout ce qui est naturel est bon pour la santé !" chantent-elles souvent pour remercier "Mère Nature". En général le mâle est chargé de la mission de cueillette, probablement parce qu'elle demande peu de matière grise...
Le Letton des forêts:
On le rencontre souvent un bouquet de fleur à la main, il sait à qui il doit sa chance de vivre dans cet univers ! Il sert peu en dehors des matchs de hockey sur glace, accessoirement s'il n'a pas sombré prématurément dans un état second du aux excès de palliatifs, il va se rendre utile très brièvement durant le solstice d'été pour assurer la reproduction. Sa femelle pourrait tout comme la mante religieuse le dévorer ensuite, cela ne changerait pas grand-chose dans l'organisation sociale.
Education:
En effet, les femelles ont un rôle déterminant et très bien hiérarchisé selon leur âge. En général, elles sont bien éduquées par leurs mères et grands-mères dès leur plus jeune âge, pour rapidement accéder à leur vocation de transmission des Daïnas, en même temps qu'elles doivent chanter en assurant la subsistance du peuple et surtout le maintient d'un taux de renouvellement suffisant pour ne pas se retrouver classée "Ethnie en voie d'extinction". En effet, le mâle, tout comme le pollen, le papillon bleu du jour ou le bourdon à une durée de vie limitée, la plus courte de tous les peuples européens, Il faut donc le remplacer très souvent.
Culture:
A l'orée de la forêt, dans le temple de la nature, résidants sous les chênes séculaires, il n'est pas rare de rencontrer des druides protégeant et transmettant des savoirs vitaux de la culture lettone dans des écoles spécialisées "Janaskola", des savoirs qui font maintenant cruellement défaut aux civilisations occidentales. Pas de panique, dès que nous aurons pris conscience que nous sommes en perdition, les Lettones seront là pour nous sauver et leurs enfants aussi.
Beautés de la nature:
Tous les Occidentaux, surtout les hommes qui ont eu le privilège de pénétrer ces envoûtantes forêts ont été fascinés par la beauté des Lettones en âge de procréer. On dit que ce sont les filles les plus belles d'Europe et malheureusement cette image sympathique est exploitée par un certain tourisme mafieux, bassement pervers, qui se développe à Riga ces derniers temps et que nos médias non moins pervers se plaisent à diffuser en caricaturant ce merveilleux petit pays. Mais les Lettones, les vraies, sont bien loin de tous ces marchandages. Oublions cela et revenons vite à nos Lettones des forêts, celles qui chantent jour et nuit quelle que soit la saison, illuminées par "Saule" surtout quand il fait beau.
Parade nuptiale:
J'ai souvent entendu cette réflexion de visiteurs: "C'est dommage ces jolies filles pour des mecs aussi effacés." Ces observateurs extérieurs ont tout de suite mis le doigt sur le problème. Le mâle letton des forêts se laisse facilement aller à d'autres préoccupations palliatives si bien qu'il en oublie le tout petit rôle que lui a laissé sa femelle. Contrairement aux autres espèces, mis à part le ver luisant, c'est elle qui doit mener la parade nuptiale et pour cela elle est obligée de se mettre en valeur le moment venu.
Rites ancestraux:
Tous ces rites ancestraux étant bien évidemment cyclé au rythme de la nature, Pavasari (le printemps) les aidant dans les préparatifs, couronnes de fleurs des prés, robes légères, mines réjouies. Nos femmes occidentales, elles, pensent que ce comportement est superficiel et à la limite de la décence bien qu'elles disent ne pas être jalouses et elles ont raison sur ce dernier point. Notre culture occidentale est différente, théoriquement basée sur plus d'harmonie entre les deux sexes mais à la vérité un peu trop machiste. Avec les descendants de Don Juan, il n'y a donc pas lieu d'user de tels stratagèmes.
Le cycle de reproduction des Lettones des forêts:
Mais continuons notre exploration dans la nature lettone et essayons de comprendre ses rythmes. Le printemps s'annonce avec le retour des cigognes et commence alors à déferler sur la Lettonie toute entière, une vague impressionnante de naissances et par déduction, d'anniversaires. Ce n'est pas par hasard mais bien adapté au rythme de "Mère Nature".
Photopériode:
Les parades nuptiales des Lettones des forêts vont se déclencher en fonction de la photopériode. La plupart des êtres vivants à l'état naturel, sans domestication, présentent une synchronisation des naissances de telle sorte que la majorité d'entre elles s'effectuent à la saison la plus favorable pour l'épanouissement de leur progéniture. Les Lettones n'échappent pas à cette règle : dans les conditions naturelles, les naissances s'effectuent généralement à partir de la fin du mois de mars. Le mécanisme physiologique mis en œuvre pour "saisonner" la reproduction est le ralentissement ou l'arrêt de la gamétogénèse depuis le début de l'automne jusqu'à la fin du printemps. Le principal synchroniseur de la reprise de la gamétogénèse, sauf accident, étant la variation saisonnière de la durée de l'éclairement par 24h, ou photopériode.
Ligo:
Remontons le temps de neuf mois: "Ligo" le point d'orgue se situant dans la nuit du 23 au 24 juin veille de Janis, la nuit où il ne fait pas nuit en Lettonie, c'est le solstice d'été. A ce moment précis de Ligo, autour du grand feu aura lieu cette fameuse parade nuptiale agrémentée de fleurs, de chants, de poèmes et de danses. Elle durera toute la nuit et se terminera au petit matin lorsque la Lettone amoureuse entraînera son prétendant dans la forêt cueillir la fougère en fleur. D'autres paramètres comme l'alimentation, l'âge, la température ambiante, la tradition, viennent moduler l'effet, mais la photopériode reste de loin le paramètre letton le plus stable d'une année sur l'autre.
"Jeunes filles, jeunes gens
Ne dormez pas la nuit de la Saint Jean
La nuit de la Saint Jean vous verrez,
Où fleurit la fougère."