1985-1989 : De diverses manières, un peu dans l’ombre, je continuais à m’informer sur l’agriculture biologique. De part ma production de gibier, j'avais déjà à cette période suffisamment de recul pour juger des déséquilibres dus à la productivité et plus le temps passait, plus je prenais conscience d'une litanie de nouveaux maux que j’associais sans conteste à l’utilisation des pesticides et engrais chimiques en agriculture. A cette époque, j’utilisais moi-même ces produits sur mes terres, dans le système agricole vers lequel nous nous étions laissé entraînés, ils semblaient incontournables, seule la performance comptait: Ces pesticides miraculeux commençaient à dévoiler leur coté diabolique.
Période de bouillonnement intense: Dans ma petite cervelle encore inféodée par le productivisme se télescopaient les idées reçues d'un certain progrès avec des constats plus alarmants dont personne ne parlait ou ne voulait en aucun cas associer à des faits avérés : de plus en plus de cancers chez des agriculteurs les plus utilisateurs de ces produits : arboriculteurs, viticulteurs et céréaliers, des allergies jusqu’alors très rares, la disparition presque totale des populations de perdrix rouges victimes comme les abeilles des insecticides, plus de poissons sauvages dans les rivières, les problèmes des ostréiculteurs s'amplifiaient, la prolifération d’algues aussi, la prolifération des chenilles sur nos forêts de chênes alertant des déséquilibres dans la chaîne de la biodiversité, les lièvres mourraient empoisonnés par les métalloïdes des tue-limaces, on commençait à dénoncer des pollutions de nappes phréatiques dans les régions où se pratiquait l’irrigation. Et la monoculture du maïs engendrait la prolifération de la pyrale. Mais rien ne bougeait...
A cette époque un de mes amis arboriculteur décédait d’une leucémie foudroyante. Il y en eu d'autres encore, mais lui que je connaissais particulièrement, se targuait de ne pas mettre de masque lorsqu’il préparait ou épandait ces traitements: Si c’était dangereux ce serait interdit ! disait-il. Mais est-ce qu’un masque serait suffisant ? Lors d’une réunion à la chambre d’agriculture, je m’insurgeais : Pourquoi n’informe-t-on pas les utilisateurs de ces pesticides sur les dangers qu’ils encourent en les utilisant ? Pour utiliser de tels produits, ne devrait-on pas avoir droit à des formations, passer un examen, obtenir un permis pour les utiliser ? Pourquoi contrôle-t-on sévèrement les agriculteurs bio pour savoir s’ils n’ont pas utilisé de chimie, mais ne faisons nous rien pour ceux qui achètent et répandent librement ces produits dangereux ? Il y va de leur santé et peut-être de celle des autres ? Mais rien ne bougeait…
Et puis il y avait ce tintamarre incessant et grandissant dont se gargarisait la presse: Les écolos contre ces putains de chasseurs, et les chasseurs contre ces putains d’écolos, les écolos contre les agriculteurs et les agriculteurs bios contre les agriculteurs chimiques et les chimiques contre les bios et les consommateurs au milieu de tout ça et ainsi de suite, tout un méli-mélo d’agressivités insensées… Je ne comprenais vraiment pas et je ne comprends toujours pas ces querelles de clochers, sans doute savamment orchestrées, qui se retrouvent même dans la politique politicienne ! En fait tout le monde a le même problème, mais chacun le perçoit à sa façon, et accuse son prochain…
Mais ne serait-ce pas simplement la pétrochimie qui aurait pris le pouvoir sur l’agriculture ? Mais là, botus et mouche cousue, ou si tu préfères:"motus et bouche cousue"... A ce jour, même si des statistiques existent sur la santé ou sur la pollution, on se garde bien - ou bien on est empêché- de les diffuser...