Maintenant que ma mission au Village d’Enfants est terminée, il est tant pour moi de poursuivre mon chemin, de continuer sur la même piste, peut-être d’une autre manière mais sans changer ma façon d’être, ma façon de penser l’avenir de la ruralité.
Si je revenais en France, il me faudrait un petit support économique pour continuer mes conférences, mes écrits, pour développer les échanges franco-lettons que j’ai initiés, pour continuer de faire connaitre ce pays exceptionnel, ce village d’enfants exceptionnel...
Si je restais en Lettonie, il me faudrait un petit support économique pour reprendre ce qui m’avait amené ici en premier. En 1999 la première fois puis l’année 2003 où je sortais tout revigoré d’un projet que je venais de réaliser dans le Sud de la Pologne durant l’année scolaire précédente et qui avait été un succès pour toute la région de Staszów où se trouve le lycée rural de Sichów (qui se prononce Chirouf, le polonais c’est aussi amusant que le letton !). j’avais pu mettre en place un concept de diagnostic prospective s’adressant spécialement aux jeunes ruraux qui ont tendance à un peu trop idéaliser le béton et les pays occidentaux… Je l’ai baptisé “Drabina”qui signifie “échelle” en polonais.
Empiler les humains dans le béton tels des élevages industriels de consommateurs est une erreur de civilisation, il est temps de revenir à la réalité: l’Avenir est à la ruralité ! En 2002, j’ai créé ce concept de diagnostic-prospective « Drabina », un préalable au développement rural, basé sur la démocratie participative des jeunes. Pour aider les jeunes des pays émergeants à imaginer un avenir optimiste sur leurs terres au lieu d’idéaliser l’Occident maintenant en perdition. Pourquoi les Pays émergeants ? parce que tout simplement ils ont plus de facilités à se remettre en cause que les nantis…
Pendant des années, souvent maladroitement (mais suis-je pour autant devenu plus adroit maintenant ?) j’ai essayé de m’introduire partout où je pouvais avoir des informations sur l’avenir de mon territoire, sur les orientations qui allaient être choisies et ce afin d’y construire des projets de développement local… Et à ma grande déception je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas d’orientation du tout ! Tout est affaire de négociations entre lobbies et souvent à la dernière minute, à la date butoir. Des décisions peuvent être « conclues » le vendredi soir à 17h55, complètement à l’opposé de la logique, des impératifs sociaux, culturel, écologiques, complètement à l’opposé des attentes révélées par des débats démocratiques préparatoires, de la volonté des politiques…etc. Un seul exemple : la PAC de 92 (politique agricole commune qui prévoyait de stimuler le développement d’une agriculture durable, plus respectueuse de l’environnement…etc.). Au moment de l’application, la pression des lobbies de la pétrochimie qui tiennent l’agriculture en otage fut telle quelle fit complètement basculer à l’opposé, la décision des pouvoirs publics européens. Les stimulations économiques furent une fois encore canalisées vers la productivité irraisonnée, la fuite en avant et ainsi l’autodestruction continua…(de la profession, de l’environnement, de la santé, de la vie rurale, sociale...) Finalement non, nos technocrates de Bruxelles n’ont pas de réel pouvoir ! Pour la préparation de la deuxième réforme de la PAC, j’étais à Bruxelles en stage pour ma formation d’animateur de projet (CIVAM) au milieu de nos technocrates, dont pas un seul de ceux que nous avions comme intervenant, n’a pas soutenu haut et fort une agriculture durable, voire bio, le sauvetage de la biodiversité à l’échelle planétaire, l’urgence d’une politique écologique et sociale forte, les AOC, l’identité territoriale, l’agritourisme ….bla, bla, bla, bla….Nous sommes repartis super enchantés : Enfin, un projet de société qui tient la route ! Bravo les technocrates qui tiennent en otage nos élus du haut de leur de tour de verre bleuté, bravo l’UE ! Mais au bout du compte, les deux derniers jours avant la date de décision, encore une fois ils se firent berner par la pétrochimie dont le règne dépasse largement la puissance des états, les frontières européennes, car pour la plupart ce sont des multinationales dont les dividendes sont destinés aux porteurs de titres….américains !!! (dont la ministre de l’environnement de l’époque n’était autre qu’une copine à Bush, dirigeante de… Monsanto, les rois du monde pétrochimique, des semences OGM, des terminators et tutti quanti : Ave Monsanto, morituri te salutant !)
Un peu plutôt, une administrative régionale que j’avais rencontré à plusieurs reprises à Toulouse, Alberte, qui aimait bien ma philosophie, m’entraîna, dans les années 93-95 ( ?), en Aquitaine, pour participer en temps que stagiaire à un diagnostic-prospective (j’étais le seul paysan au milieu de fonctionnaires en formation… et l’objet était de rechercher les bases équilibrées d’une intercommunalité naissante.). Puis j’en vécu un autre lorsque j’étais en formation AAP. Il s’agissait de trouver une solution pour mettre en valeur « la Grande Découverte », une mine de charbon à ciel ouvert, friche industrielle de la région de Carmaux dans le Tarn. J’ai eu la chance de pouvoir participer à ces diagnostic-prospective de territoire organisés par les CIVAM, menés tambour battant par un maître en la matière, j’ai nommé le grand François PLASSARD. Il est depuis ce temps, je peux le dire aussi, un de mes maîtres à penser ! En effet, François, un ancien technicien agricole qui s’était retrouvé au chômage, avait créé un concept que je trouvais génial puisqu’il entraînait toute une réflexion sur un territoire, mais une réflexion menée avec la population de ce territoire et pas seulement les décideurs ! Génial ! Pour moi, c’était ça la vraie démocratie, celle qui puise son énergie au sein même de l’attente, du projet, de la suggestion de chaque citoyen, du plus modeste au plus haut placé : TOUS. Et l’art même de ce concept est de construire un projet de développement pour un territoire, parfaitement adapté à ce territoire en restant dans une vision globale de la société : “le local dans le global”.. Et le but final de la démarche était de restituer un projet de développement (effet miroir) à la population locale, celle qui est directement concernée.
MAIS, je trouvais quand même deux petits défauts à cet outil : 1. : Il ne fallait pas trop vexer les commanditaires qui, bien sûr nous faisaient des suggestions correspondantes à leurs idées, 2. : on ne faisait pas participer les jeunes. Moi, mon truc, mon idée c’est penser que ce travail était un préalable à toute orientation de développement local et ce pour un projet à moyen, voire long terme. Donc il s’adressait surtout aux jeunes mais on ne les y invitait pas. Doit-on penser pour eux ? Ne devrait-on pas pourtant les placer au centre du débat ? Ne seront-il pas très bientôt les acteurs de ce développement que nous souhaitons ? Ne faudrait-il pas les y impliquer d’entrée au lieu de les formater sur des logiques obsolètes et les parachuter ensuite dans un monde à reconstruire ? Ne faudrait-il pas que ce soit eux qui fassent cette étude ? Ne serait-ce pas le meilleur moyen de les y impliquer ?
Alors, fort de tout ce que j’avais appris, apprécié, remarqué, souhaité, revendiqué…j’ai voulu créer mon propre concept, faire ma propre adaptation qui répondrait à ce qui me semblait et qui me semble plus que jamais primordial : Stimuler les jeunes à s’approprier, à prendre en main leur avenir et en même temps l’avenir de leur territoire .
Ci dessous une vision schématique tout confondu du social, culturel, écologique, économique, de ce que représente pour moi la Lettonie par rapport à l’Europe Occidentale
“Notre avenir est ici !” dis-je aux jeunes Lettons,ensemble nous allons le positiver !
“Rietumeiropa” Europe Occidentale
“Latvija” La Lettonie
Drabina : what is it ? Ques aco ?
« Mon avenir ne se trouve pas forcément dans un ailleurs idyllique, il est peut être tout simplement ici. » Mieux vaut un petit chez soi qu’un grand chez les autres me disait ma mémé ! Alors donc, j’ai dépassé le stade du rêve, puis celui du projet et j’ai eu l’opportunité de pouvoir tester grandeur nature « mon produit » en Pologne avec les jeunes du lycée rural de Sichow, avec le regard extérieur apporté par mes étudiants de la SIL Bio de Masseube… Et ça a marché. Et ça continue de marcher (Et encore Merci à Jola la prof de français, Anna la Directrice, Tous les profs de Sichow, le staroste Czeslav Pargiela, Christian Sahuc de l’ambassade de France et j’en oublie plein ! Si tu veux Jola, tu peux raconter tout ce que Drabina a apporté, mis en route, voire sauvé dans ta région de Sichow !).
Le puzzle du développement local lors de la représentation de la pièce de théâtre Drabina au lycée de Sichow en Pologne en mai 2002.
En présence des habitants de la région, de nombreux notables et administratifs de la région de Cracovie mais aussi de Varsovie.
Mon seul regret, c’est de ne pas avoir pu suivre la suite, accompagné la suite de cette première étape, car à l’époque j’étais salarié et il était impossible de justifier que je m’attarde plus : « qu’est ce que cela apporterait au Centre de formation gersois ? » difficile de répondre à Gérard B., mon directeur, que je dois quand même remercier de m’avoir « laissé faire » cette première étape. Mais rien n’est perdu pour autant, j’ai toujours des relations très amicales avec ce territoire polonais, et nous pourrons encore faire plein de choses ensemble.
Et mon concept fut baptisé « Drabina », qui, en polonais, signifie échelle…(l’échelle pour atteindre plus facilement les plus beaux fruits qui se trouvent au sommet de l’arbre…)
La restitution publique a été un grand évènement, elle a été présentée sous forme théâtrale, jouée par les élèves du lycée polonais qui avaient eux même participé aux enquêtes de terrain, à la rencontre des élus et penseurs de leur territoire, voire même à l’échelon national puisque le Ministère de l’agriculture de Varsovie et l’association nationale des producteurs bios polonaise avaient participé tout comme le Centre Culturel Français.
Ces photos ont été prises à la Maison de l’Europe de Varsovie lors de la représentation du “théâtre prospectif Drabina” joué par les élèves du lycée de Sichow et mis en scène par leurs profs, un bel exemple d’échange franco-polonais !
Ce que j’ai appris quelques années plus tard, c’est que cette pièce de théâtre résolument optimiste pour l’avenir de la ruralité polonaise, que j’avais moi même mis sur papier, avait été jouée durant trois ans dans de nombreux coins de Pologne et même à la maison de l’Europe à Varsovie !