Sur la piste ou sur le bitume, de jour comme de nuit, il est très fréquent de rencontrer des auto-stoppeurs dans la campagne lettone. Je m’arrête lorsqu’il s’agit d’enfants, de grand-mères ou… de jolies Lettones qui sentent généralement bon. Les hommes, c’est pas pour dire du mal, mais bien souvent ils sont titubants, bourrus, crasseux et émanent des odeurs alcoolisées ou non… Le grand air et la marche à pied sont sans doute le meilleur remède pour eux…
Hier après-midi, je faisais le taxi pour les éducatrices et me rendais à Cesvaine à l’arrêt de bus pour les cueillir. Une grand-mère me fit signe. Ici, pour faire du stop on ne fait pas un signe gentil avec le pouce, on barre carrément la route comme la police (T’as une voiture, j’en n’ai pas, donc tu dois me transporter !). Je m’arrêtais donc et après deux tentatives en letton et en russe, elle comprit rapidement qui j’étais. Depuis le temps que je vis ici, je dois être connu comme le loup blanc: c’est l’étranger… C’est probablement pour moi le meilleur moyen de comprendre ce qui se passe dans la tête d’un immigré, lorsqu’on est dans sa peau !
Je précisais rapidement que, malgré mes efforts, ma compréhension de la langue lettone était limitée. “Es esmu Francus, es runaju un sapratu latviski, bet mazliet” qui se termine généralement par un sourire effrayé et un silence pesant (il est peut-être du KGB ?). Mais avec omite ce fut différent. Ne pouvant se taire plus longtemps, elle m’avoua que c’était son anniversaire aujourd’hui: 60 ans ! Presque comme moi ! lui rétorquais-je, bien qu’à cet instant je me sentais bien dans ma peau de Français, elle en paraissait 10 de plus… la pauvre.
Allez-vous à l’église ? me demanda-t-elle. Tiens, pourquoi cette question ? c’est vrai, c’est dimanche, la question semblait logique. Non, non, je vais au centre de Cesvaine, au magasin. Il était difficile pour moi de lui donner plus de détails. Oui, je passerai à l’épicerie puis je prendrai avec moi les deux éducatrices pour revenir sur Grasi. Mais après le veikals, atpakal ? vous revenez sur Grasi ? Ja, ja ! Alors je reviendrai avec vous ! m’imposa-t-elle. Pas de problème, j’ai de la place.
Je faisais quelques emplettes dans les rayons de la superette lorsqu’à nouveau ma copine vint vers moi et ouvrant sa main me montra sa poignée de pièces jaunes. Il me manque 1 lats, me dit-elle. Donnez moi 1 lats (1,5€). Un peu culottée la mémé ! pensais-je; Mais comme je suis gentil même en dehors du 13 septembre, journée de la gentillesse, j’obtempérais…
Mais très vite ma gentillesse anodine me culpabilisa. Omite arriva vers la caisse avec une bouteille de 2 litres de bière. C’est mon anniversaire, me confirma-t-elle… Et c’est ça que j’avais cautionné ???? Une cuite pour son anniversaire ???? Moi qui pensais bêtement qu’elle voulait acheter de la nourriture…
Et lorsque à notre retour je la laissais près de la masure qui l’abrite, les éducatrices commentèrent: Tu as vu ? Elle avait une bouteille de bière à la main… Et j’avouais avec un sourire jaune… Je sais, c’est moi qui l’ai payée…
ça se passe comme ça en Lettonie…