Ce n'est ni le Gers ni la Haute-Garonne ni l'Italie ni la Lettonie, mais encore un peu de moi-même bien enraciné dans un autre petit coin de la planète. Finalement mes racines sont assez éparpillées comme celles d'un grand arbre qui va puiser ses énergies tout autour de lui, là où elles sont à sa disposition.
Comment se rendre dans cette petite vallée dont les eaux de la rivière se jettent dans le Rhône à Saint Vallier ? Si tu viens de Paris, poussé par le Mistral, tournes à gauche à Chanas de l'autoroute ou à Saint Vallier de la Nationale 7 et si tu remontes la vallée du Rhône poussé par le vent du Midi, tourne à droite lorsque, juste au dessus de Valence, tu atteins la sortie "Tournon-Tain l'Hermitage". Tournon c'est chez les ventres jaunes à gauche du Rhône où sont exploités les atomes nucléaires, Tain l'Hermitage qui nous concerne se trouvant du côté de la tomme de chèvre, cet excellent fromage. A ce moment là, tu reconnaîtras facilement ce paysage avec ses vignobles si typiques que tu te demanderas comment on les exploite tant ils sont en pente. Pour répondre à cette interrogation, je pense que les vignerons de Tain l'hermitage sont alpinistes puisque nous sommes en région Rhône-Alpes.
De Tain l'hermitage, après la traversée des vignobles sur la route de Chantemerle les blès, (le nom de village le plus printanier que je connaisse), très vite tu arriveras à Claveyson, le pays de l'asperge. Ses petites rues étroites t'indiqueront la prochaine destination, La Motte de Galaure.
Quelques photos du village accroché à la colline, dominé par son église du 11ème siécle !!! Quand je pense que le château de Cesvaine en Lettonie est vieux alors qu'il date de la fin du 19ème !
J'aime les rues de la Motte, les médiévales qui montent à pic mais aussi celles du bas parce que là se trouvent les maisons de mes aïeux, dont certaines sont toujours habitées par la famille. Mais les autres qui ont changé de main sont toujours habitées par les esprits de mes ancêtres, je le ressens chaque fois que j'y passe devant.
C'est à La Motte chez ma cousine Eliane que nous résidons chaque fois que nous revenons dans la vallée en famille. Autrefois c'était à la boulangerie de Saint Uze dont je n'ai toujours pas oublié les parfums subtils du pain tout chaud qui brûlait les mains quand j'aidais mon tonton Louis à les sortir du four à bois puis à les transporter dans le magasin de tatan Juliette ou dans la fourgonnette pour la tournée de l'après midi. Saint Uze où l'usine de céramique des Revol fait vivre encore quelques personnes de la vallée.
"La Bergerie" de la Motte est la maison où mon père est né, attenante à celle des Monnier où leur cousin André Turcat le premier pilote du Concorde (qui a le même âge que mon père) venait en vacances durant son enfance. Chaque maison des villages de la vallée possèdaient un bassin qui était alimenté toute l'année par l'eau potable de Mante, une source plus en amont. Certaines fonctionnent toujours, c'est le cas de celle de la Bergerie. Voir la grande photo du haut. C'est actuellement la maison de ma tante Monique.
Puis, si tu continues à remonter la vallée, le prochain village, c'est Mureils où j'ai aussi de nombreux souvenirs emmagasinés autour de la maison de ma tante Cécile.
Plus loin, le village de Saint Bonnet où se trouve la tombe de Marthe Robin qui fut à l'origine de la création des 75 "Foyers de Charité" répartis dans le monde entier. Celui de la vallée, la maison mère, se trouve à Châteauneuf de Galaure, juste quelques kms plus loin, toujours en remontant la vallée.
Continuons encore cette petite route qui nous amènera à Hauterives, mondialement connue grâce à Ferdinand Cheval (1836-1924) et l'oeuvre de sa vie bâptisée tout d'abord "Temple de la Nature" puis plus tard "Le Palais Idéal", une oeuvre naïve d'un petit paysan qui alla à l'école jusqu'à 11 ans, travailla sur la ferme de ses parents avant de devenir facteur. www.facteurcheval.com
Chaque jour, dimanche compris, en ne chantonnant pas:"Vive les 35h et halte aux cadences infernales", il effectuait ses 33 km de tournée à pied, s'instruisant en feuilletant les journaux qu'il distribuait. C'était un grand rêveur, un peu solitaire. "J'avais bâti un rêve, un palais, un château ou des grottes; Je ne peux pas bien vous l'exprimer, mais c'était si joli, si pitorresque, que dix ans après, il était resté gravé dans ma mémoire et que je n'avais jamais pu l'en arracher... " Puis, un jour, il trébucha sur une pierre, ce fut le déclic qui devait donner un sens à sa vie puisqu'il entreprenait la réalisation de son rêve qu'il mit près de 40 ans à concrétiser. Durant 93000 heures, après son travail, "au lieu de s'affaler devant la télé", il laissait son imagination vagabonder au bout de sa truelle et au gré de la rencontre avec des cailloux, des galets ramassés le long de sa tournée pour édifier ce drôle de monument... bizarre. "Je me traîtais aussi, moi même, de fou, d'insensé, je n'étais pas maçon... Je ne le disais à personne, par crainte d'être tourné en ridicule et je me trouvais aussi ridicule moi-même..." Son oeuvre ressemble à la complexité d'un cerveau, c'est mon impression.
Je connais le site depuis plus de 40 ans, et chaque fois que j'y reviens, j'y retrouve une ambiance étrange, mi-amusée par sa naïveté, mi-admirative lorsque je replace le message de Ferdinand le paysan dans le contexte de son époque. "Paysan je veux vivre et mourir pour prouver que dans ma catégorie, il y a aussi des hommes de génie et d'énergie".
"En cherchant j'ai trouvé. Quarante ans j'ai pioché, pour faire jaillir de terre ce palais de fées. Pour mon idée, mon corps a tout bravé, le temps, la critique, les années. La vie est un rapide coursier, ma pensée vivra avec ce rocher." Ferdinand Cheval
Alors, elle n'est pas chouette cette partie de mes racines arrosée par la Galaure et l'eau de Mante ?