Non, je ne pense pas être un vieux con rétro, écolo du dimanche, contre le progrès, d'un syndicat ou d'un autre, d'un parti ou d'un autre, anti ou pro... Il me semble être libre de ma propre opinion fondée sur certaines idées qu'on nous propose, d'où qu'elles viennent (il y en a de bonnes partout !), en essayant de les harmoniser avec mes propres convictions issues de mes propres observations et expériences qui s'enrichissent d'année en année depuis 56 ans (et demi !) de vie paysanne...
J'ai donc de sérieux doutes sur les OGM en grande culture (j'espèrerai me tromper...) Je vais tenter de t'expliquer en essayant d'être le plus clair possible. Pas facile de transcrire mes propres idées qui, même si elles sont suffisamment claires pour moi, demandent un exercice pas toujours aisé pour les exprimer. Même maladroitement, j'ose quand même. Et comme j'aime bien replacer les éléments dans leur contexte, comme dans un puzzle, cela risque d'être un peu long et confus, comme d'habitude...
Opulence: L'agriculture existe depuis 6000 ans, ce qui est très récent à l'échelle de l'histoire de l'humanité. Pourtant ce dernier siècle tout s'est très vite accéléré, des progrès considérables ont été faits grâce à des techniques venues de l'industrie et aussi une bonne organisation professionnelle créée par les agriculteurs eux-mêmes (maintenant disparue ? leur a-t-elle échappé ? les a-t-on volontairement individualisés pour mieux les exploiter ?). Ainsi les hommes ont, pour la première fois depuis le début de leur histoire, été rassasiés, dans l'opulence même, à l'abri de la famine et de la disette, tout au moins dans nos pays nantis (d'autres étant volontairement maintenus hors jeux ?)
Agriculture courtisée par l'industrie chimique: Cette nouvelle ère ouvrant des perspectives insoupçonnables, l'agriculture fut courtisée par l'industrie chimique en plein essor, les rendant parallèlement l'une et l'autre plus performantes et plus sûres (en matière de volume de production). Les efforts conjugués de tous ont donné des résultats fantastiques. Fantastiques jusqu'à ce que, dans les années 60-70 des premiers symptômes commencèrent à afficher les limites à cet élan vertigineux: les pécheurs virent peu à peu disparaître les poissons des rivières, les chasseurs disparaître le petit gibier naturel... Puis, des analyses longtemps cachées de l'eau potable mais aussi des nappes phréatiques firent apparaître des dangers, non seulement pour la nature qui nous importe peu, mais aussi pour l'homme. Des maladies en fortes croissances se développant de plus en plus chez ceux qui sont les plus exposés aux pesticides (les agriculteurs en premiers...). Mais on ne peut remettre en cause un cheval qui gagne ! On accepte, on fint d'ignorer, on sous estime, banalise, on organise des parades, on invente d'autres raisons pour déculpabiliser "le progrès"...
Emergence sociale des agriculteurs: La profession elle même ne pouvait pas remettre en cause une telle réussite économique qui créait tant de richesses dans le milieu paysan. Nous émergions enfin après avoir été depuis toujours les parents pauvres de la société. Mais cette émergence ne s'est pas faite sans douleur. Il y eut la disparition très alarmante d'une grande partie de la population rurale... Heureusement, comme par enchantement, l'industrie florissante à cette époque là, permit d'éponger en douceur les laissés pour compte en créant beaucoup d'emplois. Actuellement ce n'est plus le cas mais ce n'est pas le sujet du jour.
Agriculture convoitée: Cette nouvelle agriculture était devenue créatrice de richesses non seulement pour elle mais aussi pour permettre un développement de l'industrie qui fournit, transforme, exporte les produits agricoles devenus agro-industriels. Ainsi peu à peu naquirent des grands groupes financiers totalement liés à ce progrès et aussi très liés aux cotations boursières. Des groupes qui grossirent, grossirent jusqu'à dépasser les frontières et devenir les multinationales actuelles. Des groupes qui grandirent, grossirent tant qu'ils prirent le pouvoir sur l'agriculture, la recherche, l'agroalimentaire, le commerce, le marketing et les consommateurs réunis (voire sur nos technocrates et nos élus ? Mais pas tous j'espère...? Nous allons le vérifier très bientôt...).
Agriculteurs en otage: Tout se vérouilla peu à peu ne laissant plus de place aux alternatives comme l'agriculture biologique par exemple. Elle est ridiculisée par la profession elle-même, décrédibilisée par des orientations politico-économiques téléguidées vers l'agri-industrie. Mise à part l'attente d'une majorité de la population (qui n'a pas l'air de faire le poids ?), à l'évidence la bio n'a aucune chance dans ce jeu car elle n'est pas consommatrice de chimie ni de beaucoup de produits industriels si ce n'est de machines. Elle aurait besoin de la recherche pour s'améliorer, mais cette dernière est tellement aux services de financeurs qui ont bien d'autres intérêts que de sauver la planète... L'agriculture biologique demande des compétences différentes, des compétences pointues, des savoirs paysans oubliés ou à améliorer voire à inventer. Elle se contente "bêtement" de cultiver en respectant et non d'exploiter la terre . Elle est donc très différente de l'agriculture "conventionnelle" (chimique) qui utilise le sol comme simple support-poubelle. Nous ne parlerons pas aujourd'hui de la destruction de la biodiversité et tous les équilibres naturels fragilisés par l'intensification de l'agriculture. Nous ne nous attarderons pas plus sur tous les déchets polluants qu'accumulent sols, sous sols, eaux et corps humains depuis un demi siècle. Nous ne parlerons pas de la place des petits paysans et du développement rural-local-durable dans ce jeu de quille... Les agriculteurs, même ceux qui sont conscients des réalités, n'ont pas le choix. Ils sont obligés de suivre, trop risqué, pratiquement impossible de sortir du jeu. Voilà où nous en sommes. Ou plutôt, voilà où nous en étions jusqu'à ce que....
Le principe de précaution baffoué ? Nous en étions là lorsque tout à coup, des éprouvettes de nos chercheurs sponsorisés par ces groupes financiers, va sortir une nouvelle donne qui est en soi une des plus belles découvertes de l'humanité ! Peut-être même plus importante que la bombe atomique...heu, je veux parler de la maîtrise de l'atome. Un nouveau pas de Homme vers l'accession à son plus grand rêve: la maîtrise de la vie ! On va toucher à la vie, la modifier, la réorganiser à ses besoins. Dans certaines conditions éthiquement bien définies, cela pourra peut-être aider à la guérison de maladies humaines bien spécifiques dont on n'a jusqu'à présent trouvé aucun autre remède. De telles expériences peuvent aisément se conduire dans des lieux confinés comme les serres. Mais ce n'est pas de ces OGM là dont il est question dans mes propos. Modifier le vivant et lâcher ça dans la nature sans savoir les suites encourues (jusqu'à preuve du contraire), c'est autre chose. Et ce fameux principe de précaution alors ?
Le progrès oui, mais pas n'importe comment. Oui, depuis longtemps, l'homme a amélioré les animaux comme les végétaux pour les rendre apdaptés aux techniques de productions qu'il s'est inventé pour subvenir à ses besoins: création de croisements, de races, d'hybrides, greffes...etc. On ne faisait jusque là qu'aménager des phénomènes de sélection naturels. Mais cette fois-ci, avec les OGM, c'est complètement différent. On va intervenir dans le processus de la vie, on va y rajouter une molécule extérieure. Dans le cas du maïs qui a été heureusement (provisoirement ?) interdit en France (mais les décideurs ont ils réellement du pouvoir face aux groupes financiers qui tirent les ficelles ? Nous le saurons très bientôt.) on va inoculer à la plante un insecticide qui va traiter un parasite (dont la cause est bien entendu l'intensification et surtout la monoculture qui est en plus anti-agronomique), mais cette manipulation, ces molécules, ne sont-elles pas dangereuses pour l'homme qui est en bout de chaîne alimentaire ? La pollinisation, ne peut-elle transmettre cette modification sur des plantes étrangères à la parcelle ? Et aussi à des plantes cousines ? Et cette modification s'appliquer peu à peu à la flore entière ?
Atteinte à la liberté de choisir "avec ou sans": LA POLLINISATION ! Ne serait-ce pas là la différence fondamentale entre la gestion industrielle de l'agriculture que nous avons vécu ces dernières décennies et cette nouvelle donne si nous subissons l'autorisation des OGM ? La pollution par le pollen OGM interdit le choix de produire différemment. Comme le tabac, si un fumeur fûme dans une salle, tout le monde fume. Les OGM il faut que se soit OUI ou NON. Il n'y a aucune alternative. La pollinisation va répandre ces gènes sur tout le Continent voire sur la planète. Alors fini la bio, fini la LIBERTE DE CHOISIR "avec ou sans" qui aurait pu être accordée aux producteurs comme aux consommateurs: IL Y EN AURA PARTOUT ! Dans ces conditions, garantir sans OGM sera un mensonge car ce sera impossible.
Le pollen se déplace à des milliers de kms ! Déjà, en 2000-2001, faisant partie d'une commission de certification de l'agriculture biologique, j'ai vu passer des dossiers d'agriculteurs bios désespérés qui voyaient leur récolte entière déclassée pour cause de trace d'OGM ! Interdit de vente sur le marché bio. Déjà la pollinisation faisait son boulot. Et le pollen ne s'arrête pas à la parcelle déclarée, ni à la voisine, il peut faire des dizaines, des centaines, des milliers de km, transporté par le vent. Il arrive que de temps en temps, la France soit "rougie" par des sables venus de tempètes africaines, que le sud-est du Gers se retrouve "jauni" au printemps par les pollens des pins des Landes pourtant à plus de 200 km ! Alors pourquoi pas le pollen OGM ?
Le peu qui est cultivé en a déjà fait la preuve ! Ceux qui, en dépassant l'expérimentation en serre, en dissimulant à bon escient des champs d'essai par ci par là (les parcelles que les faucheurs moustachus détruisaient de temps en temps) savaient bien tout cela. En faisant des semis en plein champs on répandait déjà les OGM partout ! Et ensuite on se retrouverait devant le fait accompli sans pouvoir revenir en arrière. Les preneurs d'otages avaient gagné.
Pas assez de recul: Des chercheurs eux-mêmes doutent : "Dans l'état actuel de nos connaissances, avec le peu de recul que nous avons, nous pouvons dire que..." C'est à peu près le seul argument raisonnable de ceux qui savent qu'ils ne savent pas tout. Une cellule humaine, une cellule animale, une cellule végétale, quelle différence ? Tout le reste est propulsé par le pouvoir de l'argent qui, avec le brevet du vivant, détiendra ainsi totalement l'agriculture en otage. La santé, la nature, la qualité de l'eau... Pas de problème, tout cela ouvrant au contraire pour eux de nouvelles perspectives mondiales de profits aussi juteux que la production de ces semences brevetées. Une société artificielle où l'homme serait élevé industriellement juste dans le but de consommer ? Est-ce cela dont nous rêvons pour nos enfants ?
OGM, quel intérêt ? Produire des OGM en grandes cultures n'a absolument aucun intérêt. Aucun argument même les plus sensibles souvent utilisés ne tiennent la route. Le seul que je trouve valable, serait l'enrichissement des multinationales qui auront prouvé qu'elles ont bien le pouvoir (de vie et de mort ?) sur toute l'humanité. Pour augmenter la production agricole mondiale, il suffit de remettre en culture la grande partie de la planète qui est en friche et non de surexploiter et polluer plus longtemps nos terres vouées à brêve échéance à la stérilité. L'agriculture biologique serait une bonne alternative... Relire "Chassez le naturel"
Qui peut changer cela ? Nous, le peuple. Nous avons élu nos représentants. Notre sort est entre leurs mains. Mais seront-ils assez fort face aux vrais possesseurs du pouvoir ?
Mais je devrai sans doute continuer d'écrire mon roman d'aventure plutôt que de m'énerver tout seul devant mon ordi sur un sujet aussi tabou et d'actualité...