C'est le calme plat au milieu de la brume hivernale. A part un rouge-gorge sur le rosier, rien ne bouge autour de moi. Que se passe-t-il dans les coteaux du Gers ? la France profonde agonise-t-elle ? Hé oui, la chasse aux Petits Paysans continue inlassablement, inexorablement depuis les années 50... En un demi-siècle, c'est devenu "normal".
Il fut un temps où, malgré tout, la situation ne s'annoncait pas aussi dramatique que maintenant. "Le progrès" faisait des ravages dans la campagne, sur ses écosystèmes et ses "sociosystèmes". Sabaillan (par exemple) se vidait des deux tiers de sa population, de sa matière grise, de sa vie, mais il y avait un système de vase communiquant acceptable: Au fur et à mesure que les Petits Paysans fuyaient leur village pour accéder à ce fameux "rêve américain", l'industrie se développait autour des grosses agglomérations (elle aurait aussi bien pu s'installer à la campagne...). Ainsi, les villes grossirent, grossirent, les campagnes se désertifièrent, MAIS, phénomène imprévu, l'industrie commença à cafouiller dans les années 70 et dévoila les limites de cette logique. Ainsi naquit le chômage. Il aurait été temps de prendre conscience qu'un nouvel avenir aurait pu s'ouvrir aux jeunes ruraux. Mais non ! la pompe à vider les campagnes était bien amorcée dans toutes les cervelles aussi bien que dans les institutions. Comme une tradition, l'idée que l'on ne pouvait plus vivre à la campagne c'était bien enracinée, décourageant les plus entreprenants et le comble, c'est que cette ambiance continue encore alors que le système de croissance d'après guerre est presque moribond. L'industrie s'enfuit vers d'autres paradis économiques et on empêche toujours les jeunes ruraux de s'installer, en sabotant leurs initiatives.
On peut penser qu'il est encore possible, en soutenant les initiatives de ceux qui veulent rester ou revenir vivre à la campagne, de sauvegarder et recréer des petites entreprises familiales, des petites fermes. 500 000 fermes familiales sauvées ou recréées = 1 500 000 à 2 millions de chômeurs en moins. Un nouveau vase communiquant inversé ? Cela serait la solution la plus logique pour développer une nouvelle économie basée non plus sur la productivité, mais sur la qualité et le respect de l'Homme et de la nature. Des petits exemples existent et ils ont fait leurs preuves, c'est donc possible. C'est une des alternatives à notre portée, face au rouleau compresseur de la mondialisation: faire ce que les autres ne font pas, mettre en valeur notre identité territoriale à travers nos produits locaux.
Bien sûr, lorsqu'on dit cela, la plupart des gens sourient, n'y croient pas ou n'y croient plus, tant les technocrates qui ont pris le pouvoir ont été formatés sur un autre système et ont donc eux-mêmes perdus toutes ces notions, dominés par un loobing multinationalisé où tout est géré dans le gigantisme en oubliant le principal: l'Homme et la nature. Ainsi nos petites fermes finissent de disparaître, notre savoir paysan finit de disparaître, nos petits villages finissent de disparaître, nos petites coopératives finissent de disparaître, nos petits commerces ruraux finissent de disparaître. Pour enfoncer le clou, on refuse même les certificats d'urbanisme aux petits agriculteurs qui voudraient construire sur leurs terres. Ils doivent aller vivre dans des lotissements !!!!!!! On marche sur la tête !!!!
La population des villes s'accroît, l'emploi décroît et personne ne dit rien... Tout le monde subit ou essaie de se battre pour subsister (au détriment des autres ?). Localement, attendons encore quelques mois, non pas les élections, il y a plus important ! Attendons que l'industrie aéronautique toulousaine nous annonce sa délocalisation prochaine. Alors nous verrons bien s'il y a lieu de continuer à décourager les Petits Paysans et à continuer de chasser les derniers jeunes des campagnes...? Ou bien réfléchir si au contraire, nous ne devrions pas courageusement réformer l'ENA afin de remplacer tous les colporteurs de ces courants de pensée unique qui nous ont entrainé jusque là ? Ils semblent nous laisser deux alternatives: le ghetto d'un côté, la friche de l'autre.
Mais peut-être que j'affabule ? En tous cas, il est triste de voir la Paysannerie à l'agonie alors qu'elle porte en elle de nombreuses solutions à nos problèmes de société.