Cet après midi je me suis réfugié au chaud dans mon appartement. J'ai un bon alibi, pas mal de ménage à faire. En clair, dans "ma garçonnière", c'est la pagaille ! Je n'emploie pas ici le terme habituellement utilisé car il pourrait y avoir confusion chez mes amis étrangers qui prendraient leur dictionnaire et seraient offusqués en lisant la traduction. Alors je n'emploierai pas le mot synonyme de pagaille. Tant que la machine lave le linge, je me réchauffe le bout des doigts sur l'ordinateur. Il y a aussi de la vaisselle, mais avec une main, ce sera difficile. Et le balais ? et la serpillière ? Je crois que je vais faire appel à des bonnes volontés pour m'aider.
La nuit dernière il a fait très froid. Je ne sais pas exactement, mais à midi il faisait encore -7. La pluie d'hier soir a créé une belle patinoire et en marchant j'ai failli tomber plusieurs fois. Mieux vaut être prudent. Je pourrai bien me casser le beau plâtre tout neuf ?Je ne vais pas aller tous les jours à l'hôpital tout de même ? Il me faudrait simplement des clous sous les chaussures, comme ma voiture.
Plus que 4 mois et ce sera l'arrivée des cigognes qui annonceront le printemps ! Mais avril ici, c'est encore l'équivalent de l'hiver dans le Gers. Le mois de mai, oui, c'est vraiment le printemps. Quelques fois il neige encore mais c'est quand même le début de la période paradisiaque qui durera au moins jusqu'à fin septembre.
En lettonie le printemps dure tout l'été, c'est un climat fantastique, le meilleur que je connaisse en Europe et si j'étais riche, je m'achèterai une maison en Lettonie, une petite maison en bois à la lisère d'une grande forêt pour les 6 mois de belle saison. Puis, comme les bécasses, je redescendrai dans le Gers pour l'hiver... Mais l'argent c'est comme le reste, il y a ceux qui en ont et ceux qui en ont besoin. On n'y changera rien, donc, il vaut mieux se contenter de ses passions accessibles et de ses rêves qui ne coûtent rien. Bref, Il faut juste tenir le coup 5 petits mois encore. Qu'est-ce 5 mois dans une vie après tout ? C'est vite passé...
Avant l'invention de l'électricité, que faisaient les Lettons durant les 6 mois d'hiver, alors qu'il fait nuit à partir de 3 ou 4h de l'après-midi ? je me le demande ? Dans les fermes d'autrefois qui étaient divisées en plusieurs bâtiments (pour se protéger des incendies), la maison de bois était très petite et toutes les générations s'y rassemblaient. Une cheminée centrale réchauffait les pièces disposées tout autour. Pas de salle de bain si ce n'est le sauna de temps en temps, pas d'eau pour laver le linge, pas d'aération pour ne pas laisser partir la chaleur. Je n'ose pas imaginer... mais ce n'est pas de cela dont je voulais parler.
J'imagine d'une autre manière la Lettonie d'autrefois. La cohabitation de plusieurs générations, les soirées interminables dans la pénombre d'une pièce juste éclairée par un tison de bois de résineux qui se consumait plus qu'il ne brûlait, devait créer une atmosphère chaleureuse propice à stimuler l'imaginaire et à se laisser aller à la rêverie, aux contes de fées. Si les Lettons sont tous artistes dans l'âme, s'ils sont tous poètes, s'il y a de nombreux écrivains, ce n'est pas par hasard. Leur culture est née, s'est transmise, s'est cultivée soit dans cette nature fantastique à la belle saison, soit dans la pénombre, autour du grand feu durant l'hiver. Comme on vivait en harmonie avec la nature, toutes les occupations de l'hiver découlaient des travaux réalisés à la belle saison. On buvait de la sève de bouleau pleine de vitamines, récupérée au printemps et stockée dans la cave. On tissait le lin, le chanvre, la laine des moutons. Les grands-mères apprenaient à leurs petites filles la filature, la broderie, la couture. Les hommes eux s'occupaient du bois de chauffage, des soins aux animaux et ils sculptaient en racontant des légendes transmises de générations en générations. On chantait beaucoup, on racontait des poésies, on inventait ou se transmettait des Dainas. La plupart des Dainas auraient été inventées par des femmes et transmisses à leurs enfants dès leur plus jeune âge.
Les Dainas sont des poésies très courtes, typiquement lettones, qui ont servi à ce petit peuple opprimé depuis des millénaires à transmettre sa culture oralement sans que les envahisseurs successifs n'aient pu intervenir. Ainsi leur savoir, leurs croyances, leurs traditions ont continué à se perpétrer alors que chez nous il y a eu rupture, la modernité telle l'armée d'Atila, ayant tout détruit sur son passage. Ici elle arrive aussi, mais avec la différence que les Lettons ont la possibilité d'en juger les dégâts en regardant vers l'occident. En général ils sont assez prudents et méfiants sur tout ce qui vient d'ailleurs. Nous, nous divinisions tellement "la culture américaine" dont on ne soupçonnait pas encore les effets négatifs qu'elle était entrain de créer et propager. Et maintenant on y est en plein dedans...
Nous avons besoin des Lettons pour nous aider à redresser la barre ! Tels des Chevaliers Teutoniques, ils doivent nous envahir, nous conquérir non pas avec les armes comme nous l'avons fait chez eux, les Lettons n'ayant aucun esprit de vengeance (traduction de l'hymne de la Lettonie). Mais ils doivent nous envahir avec leurs Dainas, leur savoir, leur culture. Ils nous prendront par la main et en chantant nous aideront à sortir de cette impasse et aller vers un monde meilleur, un nouvel Équilibre entre les besoins des Hommes et les exigences de la Nature. Ils savent ! Allez les Lettons ! On a besoin de Vous ! On vous attend ! Envahissez nous !
Bon, ma machine à laver a fini !