Avant propos : Ce que j’écris là est mon approche personnelle de petit paysan. Je ne lis pas beaucoup et ne m’intéresse pas particulièrement à l’actualité (propagande?) officielle, pas assez peut-être, ce qui ne m’empêche pas d’être un passionné de prospective et de réflexion sur notre organisation sociale et sur le développement rural. Je me contente de picorer des informations ci et là, d’observer pour me faire une idée tout en essayant de conserver une vision globale de notre société. A chacun sa vérité, c’est vrai; Il y a celle qu’on peut nous inculquer et celle qu’on peut rechercher. Ceci est donc ma propre vérité, ma propre recherche, sans pouvoir affirmer que c’est la vérité…Mais la vérité, existe-t-elle vraiment ?
A tord ou à raison, il est facile de penser que notre civilisation est décadente. Quelques signes avant-coureurs nous rappellent le déclin des civilisations qui nous ont précédées. Après tout, peut-être est-ce simplement l’ennui dans notre confort quotidien qui nous rend si négatif, pessimiste, défaitiste ? Cette sensation désagréable que plus rien de cette fuite en avant ne peut changer ou ne doit changer. Peut-être simplement parce que nous n’avons pas le courage de nous remettre en cause ? Certains ressentent un malaise ambiant, mais le pire c’est que d’autres le vivent réellement. Certains montrent les autres du doigt, les accusant de tous leurs maux. Mais est-ce vraiment là le problème ? Donc, c’est sûrement vrai, il doit y avoir un problème, puisqu’il y a souffrance. Mais de quoi souffrons-nous au fait ? Comment se poser la question objectivement ? Comment essayer de comprendre ? Est-ce trop difficile, complexe, de pouvoir porter un regard sur une situation globale en faisant abstraction de sa propre condition ?
Il y a en premier lieu cette sensation d’être dominé par un pouvoir malsain de l’argent, cette libéralisation maintenant mondialisée, entraînant la société et la planète vers des pistes ressemblant à celles de l’histoire des moutons de Panurge http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouton_de_Panurge. Le profit, le pouvoir de l’argent a toujours existé. Bien mené, il peut être profitable à tous. Ce qui est plus inquiétant c’est sans doute ce récent système boursier qui, depuis plus d’un siècle dévalorise de plus en plus le travail de l’Homme. Des gains qui ne semblent plus réellement abonder l’investissement au service de l’humanité. Simplement un profit personnel dans un système complètement virtuel qui peut vite se transformer en roulette russe. Ce concept est trop fragile pour durer longtemps. Toutefois, en explosant, il pourrait entraîner une accélération de la chute comme telle le bloc soviétique. Mais ce n’est pas le plus grave, il faut juste commencer à penser à organiser « l’après-big crash ».
Il y a aussi cette fameuse croissance…Une logique d’après-guerre qui a fait ses preuves lorsque tout était à reconstruire. Elle est toujours bonne pour les pays qui ont tout à reconstruire. Toutefois il convient aux pays émergeants d’être prudents en voulant nous imiter, de ne pas transposer certaines erreurs que nous même avions copiées sur nos idoles de l’époque, les USA. La croissance, la vraie, a été profitable chez nous de 1950 à 1970-80. Durant cette décennie 70-80, nous avons vu apparaître des failles et surtout des limites de ce système. Mais rien ne semblait vouloir indiquer que nos décideurs et leurs conseillers avaient la capacité à réguler le phénomène qui pourtant, même aux yeux des plus humbles pensants, semblait s’emballer. Une fuite en avant, une tour de Babel se construit et rien ne semble plus l’arrêter, sinon à terme son effondrement. Réguler un tel système, est-ce possible ? Qui en aurait la capacité et le courage ? Qui accepte de voir la réalité en face ? Nous avons été tous formatés dans le moule de la réussite des années d’après-guerre, “le toujours plus”, mais ce moule n’est-il pas désuet ? Où cela peut-il bien nous entraîner ? L’Homme ne doit-il pas être le centre de tout projet de société ? Sinon à quoi bon. Il existe plein d’arguments pour soutenir encore cette voie là, mais ne sont-ils pas seulement des prétextes pour éviter de se remettre en cause ?
C’est ce que nous pensons déjà connaître qui nous empêche souvent d’apprendre. Claude Bernard
Il y a aussi la productivité… qui elle aussi aura permis le redressement d’après-guerre et qui peut être reste une solution pour reconstruire des pays provisoirement défavorisés (émergeants ?). Mais quelle productivité ? Il y a tant de paramètres négatifs…l’asservissement de l’Homme, la domination des plus forts empêchant les plus faibles d’émerger (surproduction agricole exportée à bas prix neutralisant le développement de pays maintenus défavorisés…), la pollution de l’eau, des sols, de l’air, des pollutions irréversibles comme la concentration de la radioactivité… la désintégration de la biodiversité, la manipulation de la vie (OGM ou clonage). Certains ont poussé à la consommation pour provoquer des besoins (investissement de l’éclairage public gratuit pour justifier de nouvelles centrales électriques…)
Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière asséchée, le dernier poisson péché l'Homme va s'apercevoir que l'argent n'est pas comestible. Proverbe indien
Il y aussi et surtout le désintégration de notre planète. Et c’est là le plus grave. Tout le reste n’est que problème d’organisation sociale qui peut être modifiée, transformée, reconstruite de manière différente. En moins d’un siècle, nous avons fait plus de dégâts sur terre que depuis le début de l’histoire de l’humanité. La plus mauvaise de toutes les gestions ! Mais quelle en est la vraie cause ? le développement industriel ? l’exploitation des énergies fossiles ? l’inconscience ? l’insouciance ? la méconnaissance de ce danger ? le pouvoir de domination et l’esprit de supériorité que l’Homme c’est octroyé (par les religions ?) ? Mais pour dominer quoi ? Pour scier la branche sur laquelle il est assis ? Et de plus, la terre nous appartient-elle ? N’est-ce pas un héritage que nous devons transmettre en bon état à nos enfants ? Comment en est-on arrivé là ? Que s’est-il passé pour que peu à peu l’Homme se soit désintéressé de son lieu de vie ? ne serait-ce pas la distance qu’il s’est créé entre lui et la Nature en se concentrant peu à peu, en s’agglomérant, en s’entassant dans les villes qui sont devenues des lieux de vie complètement artificiels ? N’est-ce pas un malentendu entre la Nature et l’Homme ? L’Homme qui a subit la Nature durant des millénaires parce que tout simplement il ne la comprenait pas…donc il s’en serait détaché en cherchant à l’ignorer ? le combat des religions judéo-chrétiennes contre le paganisme ? Alors comment sortir de ce ghetto ? Parce qu’on ne va pas continuer comme ça ? ce n’est pas possible, c’est du suicide collectif !
Il faut réintroduire l’Homme dans la Nature.
Pourquoi ? L’Homme aurait-il perdu tous ses repères, devenu incapable de discerner ce qui est vital pour lui ? Ni même le jour de la nuit, ni même la qualité de son alimentation…Vivant dans le bitume et le béton, dépendant d’un système commercial qui lui a fait un lavage de cerveau pour pouvoir l’utiliser comme machine à consommer, aurait-il tout oublié ? Que reste-t-il de tous ces savoirs vitaux que nos ancêtres avaient emmagasiné durant des millénaires et qui ont été ridiculisés, anéantis en deux générations ? En découvrant peu à peu le savoir du peuple letton, je mesure tout ce que notre culture occidentale a perdu en si peu de temps. Notre rythme biologique lié au rythme de la Nature, notre alimentation au gré des saisons, la connaissance des pouvoirs des plantes, de la culture biologique, tout ce qui était simple geste quotidien. Nous savions tout cela...Tous ce qui rendait l’Homme indépendant et fort. Heureusement tout n’est pas perdu car certains ont su le préserver. Il faut le remettre en pratique.
Comment ? Grâce au progrès de la communication il y a maintenant de nombreux métiers qui peuvent se pratiquer hors des concentrations urbaines. Il faut inciter la construction des habitats épars à la campagne comme était organisée la vie en France depuis la fin du moyen âge. Les premières villes qui datent de seulement quelques millénaires étaient des forteresses où la population se réfugiait lorsqu’il y avait une menace extérieure. Actuellement, les menaces ne sont-elles pas au contraire à l’intérieur des villes ? Il faut que l’Homme retrouve ce contact avec les saisons, avec la terre, avec les plantes, avec la vie, la vraie. Il faut éduquer nos enfants dès leur plus jeune âge à la connaissance de la vie de la Nature, à son respect, comme on doit les ré-éduquer au respect des autres.
Il est évident que la prochaine civilisation reprendra en compte la Nature. Ce sera à cause de cet oubli que la notre aura disparue. Mais on peut espérer quand même que des balbutiements se mettront en route rapidement, juste pour ne pas tout perdre.
Jean Amblard, Plaidoyer pour la réintroduction de l’Homme dans la Nature.