Après-guerre : La France, comme l’Allemagne ou l’Autriche, a été pionnière en agriculture biologique, je pense à Lemaire, à Boucher (que je connais, j’ai été membre du conseil d’administration de l’AFAB, l’association française pour l’agriculture biologique dont il est fondateur), à Batiot un Vendéen qui s’installa dans le Gers et qui a été promoteur de la bio dans mon coin…etc. Ils ont eu le mérite de se positionner au moment où la grosse machine de la productivité se mettait en route. Trop précurseurs ? A cette époque la productivité semblait tellement miraculeuse…
Après 68, L’image péjorative de la bio va naître dans la profession. Une vague bio débarque dans nos campagnes et particulièrement dans les régions en cours de désertification où de nombreuses petites exploitations agricoles étaient abandonnées, dans le Gers ou l’Ardèche par exemple : Des néo-ruraux baba-cool débarquèrent du béton, du nord de l’Europe ou du seizième avec une philosophie qui aurait pu être intéressante (à mon sens) mais sans compétences agricoles et avec un grand poil dans la main. Ils prônèrent aussi la bio mais en fait la ridiculisèrent aux yeux des paysans au moment où ils accédaient enfin à la modernité que leur promettait la pétrochimie.
Et depuis ce temps cette image de la bio-hippy s’est gravée dans la mémoire de notre milieu agricole et perdure encore. On comprend aisément pourquoi maintenant, à l’heure où de gré ou de force il faut changer de cap pour reprendre en compte les grands équilibres, que les producteurs français qui sont les meilleurs dans le système actuel (et bien entourés), refusent de se remettre en cause. C’est moins le cas dans d’autres pays. Les premiers seront-ils les derniers ?
Dans les années 80, Mon constat catastrophique des dégâts causés sur la nature et par déduction sur l’Homme, des dégâts qui n’ont malheureusement pas cessé de s’amplifier - bien qu'on se garde de médiatiser ce genre d’information - confortait ma façon d’imaginer l’agriculture de demain. Mon idée était à cette époque très simpliste : la bio n’utilisant pas de chimie, serait (est ?) la réponse à tous nos problèmes écologiques, sanitaires et qui sait, peut-être même sociétaux ?
Mes connaissances techniques dans cette pratique étaient quasi nulles, car tout au long de ma formation professionnelle, la bio portait une image rétrograde de l’agriculture et toute la profession était (est encore ?) bien formatée dans ce sens. Jamais je n’ai eu la moindre information positive de la part des enseignants ni de la profession, même avant 1968.
Bien entendu, l’agriculture biologique ne m’était pas complètement étrangère, mon père sans être bio avait toujours eu conscience du respect de la terre, je lisais pas mal sur le sujet, j’avais quelques amis soixanthuitards survivants avec qui j’aimais bien philosopher, je connaissais Mr Batiot qui venait quelques fois parler du sujet avec mon père. J’avais beaucoup d’admiration pour Jean Marie Brocas de Sauveterre qui, avec modestie et dignité, pratiquait ce qui lui semblait le respect de la terre et des consommateurs, une satisfaction personnelle pas forcément récompensée économiquement, donc gentille mais sans intérêt aux yeux de la profession.
J’étais de plus en plus porté par cette logique qui pour moi ne devrait certainement pas être une marche-arrière mais réellement un grand bond en avant, une réorientation après quelques années de délires. Il fallait à tout prix que je me rapproche des gens qui portaient la bio, ce devenait un besoin. Mais je savais d’entrée que cette démarche devait être quasi confidentielle car si mes clients chasseurs et le milieu bien pensant de l’agriculture moderne auquel je me sentais appartenir, apprenaient que je cherchais à flirter avec des hippies végétaliens barbus-chevelus qui dorment tous dans le même lit et qui fument de l’herbe… ?
Vers 1985, je ne me souviens pas exactement de la date… Pour la première fois, j’étais invité à une réunion bio à Auch…
A suivre…