Peut-être maladroitement, j’ai souvent écrit dans mon blog et aussi fait des allusions dans mon bouquin “Contes, Comtes et Comptes Gascons” (à rééditer…), j’écrirai encore les raisons issues de mon expérience professionnelle qui ont orienté mes réflexions vers l’agriculture biologique, il y a déjà plus de trente ans. Mais où parler de ça ? Mais avec qui parler de ça ? N’ayant pas le verbe assez haut pour tenir tête aux grands courants de pensée, j’ai préféré expérimenter mes idées et aussi les écrire, un peu solitairement certes, mais face à de tels tabous organisés, la liberté d’écrire ce n’est déjà pas si mal. Si tous les paysans survivants qui ont gardé les pieds sur terre pouvaient écrire ce qu’ils pensent réellement…
Il y a la pollution de l’eau et de notre lieu de vie, chaque jour d’avantage nous ouvrons les yeux sur ces problèmes, mais ce n’est pas tout… En voyant des maladies et notamment des cancers se développer de plus en plus autour de nous, même chez nous, même chez nos jeunes, même chez nos enfants, il n’est peut-être pas encore trop tard pour qu’enfin la vérité éclate au grand jour ! Dommage qu’en France, premier pays agricole d’Europe, nous soyons si intellectuellement en retard sur le développement d’une agriculture plus en harmonie entre l’Homme et la nature. Est-ce si dégradant que ça ? L’Homme se croirait donc si supérieur à la Création qu’il refuserait même de reconnaitre sa propre fuite en avant qui pourrait accélérer son autodestruction ? Exploiterait-on sa faiblesse (soif de supériorité) par un marketing savamment orchestré qui idéaliserait les logiques de la pétrochimie au détriment de toute sagesse paysanne ? Tout cela pour une simple raison: l’idéologie industrielle de la croissance à tout va ? Ne serait-il pas possible de développer une idéologie plus saine (déjà existante mais bafouée), un nouvelle économie qui intègre le respect des grands équilibres…? Si l’agriculture biologique n’était pas si ridiculisée par un fort lobbying qui plane sur notre profession, si elle n’était pas de ce fait neutralisée économiquement, je suis certain que les choses pourraient aller plus vite.
Les paysans survivants sont là pour nourrir la société et répondre à sa demande, ils connaissent leur métier et sont capables de produire propre si le marché les soutient et les stimule. Une grande partie des terres arables de la planète est en friche, en favorisant le développement de l’agriculture dans les pays émergeants (qu’on empêche d’émerger pour justifier la surproduction polluante des pays industrialisés grâce à un alibi implacable: “Il y a des milliards de bouches à nourrir dans le monde”) il y a largement de quoi nourrir tout le monde. Vivre de l’agriculture biologique, une utopie ? Les prix agricoles mondialisés sont totalement artificiels, n’ont aucun lien avec le coût réel à la production et surtout son impact sur la santé et sur l’environnement. Dans un tel schéma, des choix politiques courageux ne pourraient-ils pas réorienter les méthodes de production ? ( Dans les tours de verre bleuté de Bruxelles nos eurocrates savent très bien faire, il suffit de les orienter…). Les produits bio pourraient ainsi ne pas être plus chers aux consommateurs que les produits conventionnels (chimiques). Il faut que les pouvoirs publics arrêtent de se considérer en otage, c’est trop facile ! Il faut que les consommateurs de nos pays industrialisés se bougent aussi, ils sont autant concernés que les producteurs (bien que le taux de cancer soit plus élevé chez les utilisateurs de chimie, surtout les agriculteurs…). Ces dernières années, des techniques de communication de masse ont été bien rôdées. Ne pourraient-elles pas servir utilement ? à cette réflexion par exemple…? Nous sommes entrain de vivre la fin de l’ère industrielle qui a créé une société artificielle, n’y aurait-il pas à repenser l’urbanisation ? La réintroduction de l’Homme dans la nature ? Où sont les emplois de demain ? Peut-être dans une nouvelle agriculture respectueuse des grands équilibres ?
Mais des gens plus intelligents qu’un simple petit paysan savent probablement mieux en parler. Une de mes lectrices m’envoie cet article paru dans le journal “La Vie”…
Pesticides : l'omerta se fissure
Olivier Nouaillas - publié le 23/02/2010
Des étudiants lancent un "appel de la jeunesse" sur le lien entre cancers et environnement alors que Paul François, gravement intoxiqué, raconte son combat judiciaire contre les fabriquants de pesticides.
La semaine qui s'ouvre marquera-t-elle le début d'un grand débat public sur la santé et l'environnement ? Deux faits pourraient y aider. D'abord, ce jeudi 25 février, un collectif de jeunes étudiants lance un appel de la jeunesse "pour que cesse l'augmentation du nombre des cancers et pour que le lien entre l'environnement et la santé soit mieux considéré".
Martin Rieussec, 24 ans, jeune-porte parole du collectif et qui vient de s'installer en ostéopathie dans les Pyrénées-Atlantiques, explique la genèse de cet appel : "En 2008, après le décès d'un jeune étudiant – il est mort d'une leucémie - dans notre école d'ostéopathie à Cergy-Pontoise (95), nous avons décidé d'en savoir davantage sur cette maladie. En rencontrant des étudiants dans d'autres facultés, nous ne sommes aperçu que ce n'était pas un cas isolé et que de plus en plus de jeunes développaient des cancers. En faisant venir 18 intervenants à Cergy, notamment des médecins, dans un cycle de conférences, nous avons découvert que de nombreuses causes de cette maladie pouvaient être liées aux activités humaines : alimentation industrielle, agriculture intensive, pollutions chimiques dont nos corps sont imprégnés, téléphonie mobile...". D'où cet appel, parrainé par de nombreux scientifiques et militants associatifs, et disponible sur le site appeldelajeunesse.org.
Coïncidence, ce même jeudi 25 février, notre hebdomadaire publiera un long témoignage de Paul François, un agriculteur de Charente, gravement intoxiqué par l'inhalation d'un désherbant, le Lasso fabriqué par Monsanto. Alors que les faits remontent au 27 avril 2004, cet agriculteur aujourd'hui agé de 46 ans, mettra plus de cinq ans à faire reconnaître ses graves troubles de santé – il a été plusieurs fois dans le coma - comme "maladie professionnelle" par le tribunal des affaires sociales de Charente, puis par la cour d'appel de Bordeaux, dans un jugement rendu le 29 janvier 2010. Pour François Lafforgue, son avocat, dont le cabinet est spécialisé dans les affaires d'environnement et de santé publique : "C'est la première fois en France qu'une cour d'appel établit un lien direct entre un produit phytosanitaire bien déterminé et des troubles de la santé. Cela peut faire jurisprudence".
"Pur produit de l'agriculture intensive", selon ses propres termes, Paul François qui exploite, avec un associé, 400 hectares de terres céréalières dans le nord de la Charente, a entamé, parallèlement à son combat judiciaire, une conversion "à l'agriculture durable". "Pour avoir bien étudié la question durant ces dernières années, je pense que nous sommes à la veille d'un scandale sanitaire aussi fort que celui de l'amiante. Avec tous les cancers qui explosent dans la profession, il va y avoir une hécatombe chez les agriculteurs", prédit-il. La Mutualité sociale agricole a d'ailleurs lancé en 2004 une grand enquête sur les liens entre agriculture et cancer. Mais la publication de ses résultats est sans cesse retardée. Pour Paul François, il y a encore "une omerta, une loi du silence imposée par le lobby de la chimie".
A la veille de l'ouverture du salon de l'agriculture (27 février au 7 mars), nous lançons sur notre site lavie.fr un débat en direction des agriculteurs, des consommateurs, des écologistes, des jardiniers du dimanche, des élus, des citoyens... sur le thème : "Pesticides, comment les réduire ?". Rappelons, en effet, que le Grenelle de l'environnement, en 2007, s'était fixé comme objectif de "réduire de moitié l'usage des pesticides en dix ans, si possible". Le "si possible" étant dû à un intense lobbying des marchands de produits phytosanitaires...