Transition avant mon départ imminent pour la France, j'ai passé ce dimanche à flâner dans les rues de Riga, mais pas seul. La Lettonie est petite et presque la moitié de sa population habite la capitale de peur de s'égarer dans les immenses forêts où seules les cigognes retrouvent leur chemin sans se perdre. Alors, proportionnellement, en Lettonie j'ai autant d'amis à la capitale qu'en province.
L'an dernier, organisé par le CCF (Centre Culturel Français), un groupe d'apprenants le français est venu en week-end d'immersion à Grasi. Et bien entendu, nous avons sympathisés et échangés nos adresses en se disant: "Lorsque vous venez à Riga, avertissez nous, on se rencontrera pour boire un café ensemble." Cela m'est déjà arrivé plusieurs fois et c'est très agréable, d'autant plus que ces personnes parlent français, ce qui m'arrange beaucoup bien que j'arrive à me dépêtrer tant bien que mal entre le letton et l'anglais. Mais le russe ? Nous y voilà ! и вот! (no vot)
Il y a un mois je recevais un message pour le moins mystérieux, à peu près en ces termes: "Bonjour Jean, te souviens-tu de Natalija, la Dame Blanche qui faisait partie du groupe CCF qui passa un week end dans votre baronnie l'an dernier ? Je travaille à la Croix Rouge et aussi dans une association d'intégration des immigrés à Riga ( La crise de la société artificielle aidant à ramener les valeurs humaines au premier plan, apprend-t-elle le français en prévision de l'immigration de réfugiés français en Lettonie ?). Quand tu viens à Riga, fais moi signe, m'écrivait-elle, j'aimerai reparler du village d'enfants qui m'a beaucoup marquée. Nous irons boire un café au CCF !".
Effectivement, je me souvenais de cette Dame Blanche assez mystérieuse, mi-mythique, mi-mystique qui m'avait intrigué par son rire extraordinaire et son excentricité de star hollywoodienne, je me souvenais aussi qu'elle était d'origine russe. Notre rendez-vous était organisé pour hier devant le CCF, mais comme le dimanche il est fermé, nous sommes allés boire un café au "Cadets de Gascogne". Plusieurs projets de collaboration commencèrent à germer. Mais la Dame Blanche qui était habillée en bleu me proposa de rencontrer de ses amis, le peintre Janis Almanis qui anime des ateliers pour les enfants des écoles, des hôpitaux pour enfants, des maisons pour enfants handicapés, des prisons pour adolescents, etc.; Mais comme tous les artistes, Janis se fit attendre, si bien qu'il ne vint jamais à notre rendez-vous. Mais une autre personne avec été conviée, une personne toute aussi mystérieuse que la Dame Blanche, Diana la Poupée russe. Gigogne ? probablement car Diana a un atelier de poupées et de nombreuses activités artistiques, touristiques mais aussi théâtrales pour les enfants, toujours liées aux poupées. Elle est entrain d'ouvrir un website qui devrait s'élaborer dans les prochains jours : www.baltdollart.com
Donc, tout en discutant de projets communs, nous avons flâné dans les rues ensoleillées du quartier Alberta iela, où de somptueuses demeures de style "Art nouveau" te donnent un avant goût de ce que tu pourras découvrir lors de ton prochain séjour en Lettonie. Je t'y amenerai et si on a la chance d'avoir un temps splendide comme hier, tu verras, ce sera fantastique. Nous avons aussi visité l'atelier de la Poupée russe.
Je voudrai remercier tout d'abord la Dame Blanche Natalija pour son invitation et ses projets de collaboration que nous étudierons ensemble avec le village d'enfants mais j'ai aussi plein d'idées à cultiver avec la Poupée russe Diana et notamment sa proposition pour que j'écrive une pièce de théâtre pour enfants qui serait jouée par des marionnettes. J'ai immédiatement pensé à Guignol avec les gentils et les méchants managés par le gendarme, mais à la réflexion, je ne veux ni gendarme ni méchant. Chacun est gentil dans le fond de lui-même. Alors faisons ressortir ce côté positif des humains pour que nous vivions tous en harmonie. Le projet m'a vraiment séduit et j'ai déjà le sujet qui trotte dans ma petite cervelle d'immigré... La Dame Blanche et la Poupée russe ont bien compris mes idées à ce sujet. Elles sont particulièrement concernées puisque toutes les deux d'origine russe, mais bien chez elles en Lettonie, un pays qu'elles aiment, dont elles défendent la culture, leurs racines sont ici depuis plusieurs générations. Il n'y aura pas les gentils et les méchants: "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !"
Mais cette mystérieuse Dame Blanche, mi-mythique, mi-mystique ????? Ne serait-elle pas la Dame Blanche ??????? Et voilà... и вот! (no vot)
En cette période printanière, que tu sois à la Croisette ou dans les couloirs des écoles lettones, c'est la même chose: Un festival floral où défilent des créatures plus belles les unes que les autres. J'en parle chaque année mais je ne peux pas m'en taire, comme on dit à Sabaillan. Jamais dans aucun pays je n'avais vu ça. En Pologne j'ai déjà participé à "la fête des cents" (100 jours avant le Bac). C'était différent, plus convivial et moins cérémonieux mais ici c'est tellement beau qu'au bout d'une demi-heure t'en a marre, mais ça dure plus de deux heures et il y a tellement de monde que tu ne peux pas t'échapper de la salle sans déclencher une bousculade.
Izlaidums c'est la fête de fin d'étude et cela se reproduit à chaque de fin de cycle. Aujourd'hui dans la nouvelle école si belle que même le maire de Cesvaine ne sait pas comment il va payer les 50% de dépassement du devis, nous assistions à l'Izlaidums de la fin de la 9ème (soit fin de troisième en France): c'était Versailles ! Je t'ai déjà expliqué qu'au lieu de te morfondre en regardant ta société capitaliste s'écrouler, vient donc t'installer en Lettonie dans l'import-export de fleurs. Tu peux même espérer une excellente cotation en bourse tant le marché est porteur: Même les pauvres se ruinent chez la fleuriste ! Ici il y a deux marchés porteurs pour redresser l'économie en chute libre: l'alcool et les fleurs. L'alcool pour les hommes, les fleurs pour les femmes. Quoique, même les hommes acceptent les fleurs des femmes. Ils sont bizarres ces Lettons, eux aussi tout à coup se mettaient à croire à la croissance occidentale...
Revenons à notre Izlaidums. Un de nos enfants de Grasi en faisait partie. Il en reste encore un samedi prochain et on n'en parlera plus. Ouf ! Mais parlons d'aujourd'hui... ou plutôt regardons celui d'aujourd'hui. Début à 17h., fin à 19h30.
Chronologie réglée comme du papier à musique. Même sans comprendre la langue tu peux suivre sans problème:
1. Arrivée triomphante des élus du jour sur fond musical sélectionné. Ils traversent la salle pour rejoindre l'estrade sous les applaudissements du public (applaudissements mous-lettons)
2. Une élève prend le micro et accompagnée au piano va chanter une chanson à la mode, genre cantique dont le refrain est récité mollement en coeur par les élèves rangés en espalier face au public.
3.Discours inaugural de la prof principale dans une intonation somnifère pour donner le ton du spectacle.
2. Deuxième cachet avec le discours du directeur.
3. Flatterie et autres poèmes de la part des élèves à la gloire des mamans.
4. Chacun des élèves va porter une fleur à sa maman qui est quelque part dans la salle (grosse bousculade)
5. Flatterie et autres poèmes à la gloire de la prof principale qui fait mine de rougir puis aux autres profs quelque part dans la salle.
6. Chacun des élèves va porter une fleur à ses profs préférées (Il n'y a que des femmes enseignantes: Où sont les hommes en Lettonie? au bar ? Pas tous quand même...). La séance peut durer quelques minutes. on repaire vite les profs préférées: il faut faire la queue pour leur remettre le bouquet (grosse bousculade). La gagnante est celle qui a le plus gros bouquet.
A chaque mission, l'élève regagne sa place, au fur et à mesure il se sent un peu allégé du gros bouquet de départ.
7. La prof principale va appeler un à un par groupe de trois, les élèves selon une classification étudiée à l'avance. Chacun va recevoir une éloge publique de la prof, souvent empreint de poésie (lassitude...) mais c'est le directeur qui donnera les félicitations et la première poignée de main en remettant le diplôme (équivalent Brevet de écoles) pas de bises. Ensuite, la prof offrira aussi une petit éloge au creux de l'oreille et une bise sur la joue gauche aux garçons comme aux filles. Si j'étais directeur j'en profiterai pour faire au moins une bise aux filles... Lui, même pas...
8. Par groupe de trois, les élèves récompensés vont se mettre devant, face au public et vont recevoir de leur famille, amis... quelques fleurs. Et c'est une procession sans fin qui commence. On peut juger du nombre d'amis de chaque élève. Pour certains ce peut-être un dizaine, mais pour d'autres 50 ou plus. Imagine le temps qu'il faut pour défiler ! Voir vidéo pour un groupe de trois...
9. Et ensuite ce sont les discours, les poèmes, les cadeaux et éloges réciproques qui n'en finissent pas si bien que si tu es bien assis, tu finis par t'endormir. Mais je ne pouvais pas ! J'étais en mission ! je représentais la famille de Grasi avec Sandra et trois enfants. Et aussi la mission de photographe... Donc, je suis resté jusqu'à la fin.
10. Habituellement la séance des photos se passe à l'extérieur mais là, il fait un temps pourri, de la pluie sans arrêt si bien que tout se passa jusqu'au bout dans la salle de la nouvelle école si belle que même le maire de Cesvaine ne sait pas comment il va payer les 50% de dépassement du devis... C'était la Croisette, c'était Versailles !!!
Durant les interminables hivers lettons, j'ai trouvé une occupation saine en pays civilisé pour éviter l'hibernation tout en travaillant dans l'intérêt de nos enfants de Grasi: Je propose des conférences en France. Et cela se renouvellera les hivers prochains. Certaines sont déjà programmées, mais l'agenda est encore presque vierge, alors n'hésite pas à me contacter si tu as des idées à ce sujet.
Les conférences que je propose en plusieurs chapitres, sont agrémentées d'une multitude de photos en projection. Pas de souci, en quatre ans et demi, j'ai déjà usé quatre appareils photo ! J'aborde plusieurs sujets en m'adaptant au public et en essayant de m'adapter au temps qui m'est imparti. je dis bien "essayer" car lorsque je me lance dans mes récits, difficile de synthétiser et de plus, selon les publics, des dialogues avec la salle peuvent déchaîner les passions jusqu'à tard dans la nuit ! Ça commence généralement comme ça:
- Comment un paysan du Gers apparemment normal (je dis bien "apparemment") peut-il se retrouver un jour chef de projet dans un orphelinat perdu au fin fond de la Lettonie profonde au milieu des forêts immenses habitées par les loups et les ours, où seules les cigognes retrouvent leur chemin sans se perdre ? Un pays sauvage, vivant en harmonie avec la nature que l'on voudrait bien découvrir pour rencontrer la Dame Blanche sous le vieux chêne qui fait angle de la forêt de l'ours, mais un pays qu'on sait même pas où c'est ? Et alors là, je sors mon grand jeu: la carte de l'Europe. Car la Lettonie est en UE, oui ! oui ! Et après la carte vient la philosophie qui m'anime et qui se résumera par une expression toute simple: "La Vie est une fantastique Aventure !"
- La Lettonie, son histoire, sa belle capitale Riga, sa fascinante nature, la vie moins fascinante des autochtones qui commençaient à voir une issue au soviet-tunnel et qui maintenant dégringolent corps et biens dans le gouffre du capitalisme occidental. Mais aussi des choses plus gaies comme les circuits touristiques en boucle autour de nos chambres d'hôtes www.hotelgrasupils.lv . Ses capacités à accueillir et guider des groupes importants, des séminaires...Tourisme solidaire puisque 100% des revenus de nos chambres d'hôtes sont destinés au village d'enfants...etc
- Le village d'enfants de Grasi, son histoire, sa vie, ses objectifs, l'avenir des enfants que nous aidons à grandir. Comment nous aider...etc.
- La ferme pédagogique du village d'enfants, sa vocation, son histoire, l'évolution du projet, les objectifs. Comment nous aider...etc.
Ainsi, des personnes qui ont été sensiblisées à l'action que nous menons à Grasi, ont la possibilité de s'investir de différentes manières pour nous aider. Un exemple ? Cette classe de BTS gestion (Brevet de Technicien Supérieur) du lycée Bagatelle de Saint Gaudens en Haute Garonne. Une rencontre avec Sylvie, leur prof... Sylvie parle du village d'enfants à ses élèves qui m'invitent à intervenir au lycée. Une conférence brève, le temps d'un cours, suffit à lancer l'idée de mener une action pour les enfants de Grasi. Le choix se porte sur une collecte de chaussures neuves dans les magasins de la ville. une bonne mobilisation de la classe et des écoles voisines, la presse locale les aide et voilà le résultat qui m'est annoncé ces jours derniers:
Bonsoir Jean,
Voici l’article qui est paru dans la Dépêche, la Gazette. Les étudiants ont été très actifs sur le projet, qui a pris une ampleur et un réel succès. Ils sont passés sur une radio, affiche en ville, ont de multiples partenariats avec les écoles et les vendeurs de chaussures du coin. Bref, la photo de l’article a été prise 24 h après le début de l’action. Aujourd’hui le hall (l’endroit banalisé où ils sont assis (grand rectangle décaissé, tu n’en vois que environ 30 %) est quasi rempli de chaussures…
Un étudiant très entreprenant dans le projet a déjà trouvé un stage, car sa motivation a été remarquée.
Comme tu vois, ils sont maintenant très motivés pour aller en Lettonie… affaire à suivre.
Par contre il est important pour moi que tu me confirmes la date où tu penses venir chercher les chaussures. Je vais te donner la semaine prochaine une approximation du cubage, qui est relativement important, et il reste encore 15 jours de collecte !.
Amicalement
Sylvie
4 m3 de chaussures à rapatrier sur la Lettonie ! Fantastique !!!!! Nous étudions en ce moment toutes les possibilités pour organiser ce transport au plus vite. Si tu as des idées ?
Bravo et merci à tous ces jeunes ! Juste une erreur à signaler dans l'article: je ne suis malheureusement pas le fondateur du village d'enfants, les honneurs doivent revenir à mon vénéré directeur Christophe ALEXANDRE. Mais chacun aura rectifié de lui-même.
Une rencontre est prévue le 1er juillet au lycée Bagatelle de Saint Gaudens pour fêter l'évènement. J'y serai !
Bienvenue sur mon blog qui dura du 25 mars 2005 au 30 mai 2015, dix ans de ma vie en Lettonie. Pour tout comprendre, reprendre ci-dessous les archives depuis le début : https://jeanlv.typepad.fr/mon_weblog/2005/03/index.html
« Un jour, j'avais les pieds nus et aucun moyen d'obtenir des chaussures. J'allais trouver le chef de Kufah, dans un état de grande misère. Et là, je vis un homme qui n'avait pas de pieds. Je me tournais vers Dieu pour lui rendre grâce, repartis, et supportais désormais mes pieds nus avec patience.»
Golistan de Saadi (poète persan du XIIIe siècle)
Relevé sur le site asin du Gers "Anebeauté": "Quand on a un PDG (Paysan du Gers) dans ses relations, il faut le faire savoir. Jean a laissé ses poules gasconnes des coteaux de Sabaillan pour le village d'enfants de Graši en Lettonie. Jour après jour, il relate avec gourmandise (souvent intellectuelle, parce que la bouffe lettone...) les grandes heures et les petites minutes de cette belle aventure. Des relations internationales à hauteur des gens, avec des vraies relations et des vrais gens, comme disent nos hommes politiques.
Et la plume/clavier de notre gascon s'envole quand le sujet ou l'actualité s'y prêtent (j'ai dit "hommes politiques", moi ?)."