Déjà publié au mois d’octobre 2005, dans les premiers temps de mon intégration en Lettonie et aussi de la naissance de mon blog, ce texte reste dans l’ambiance des mes notes actuelles et… d’autres à venir car le sujet est intarissable…
jeudi 06 octobre 2005
Le masque de fer letton est-il en laiton ?
Si en Lettonie tu entends le mot : souris ! Surtout ne commets pas l’imprudence de sourire ! Malheureux ! Car sans aucun doute, il s’agira bien de l’animal (pele) qui hante nos garde-manger ! C’est avec une certaine amertume que je te dis cela, car depuis une semaine je me sens gêné, mais gêné…Tu peux pas savoir !
Depuis 6 ans que je connais la Lettonie, j’ai eu le temps de remarquer que les Lettons sont souriants comme des portes de prison (d’ailleurs ça rime). Pardon pour ceux que je connais, ils ne sont pas concernés et je t’expliquerai pourquoi tout à l’heure. Quand tu circules dans la rue, sur les pistes, que tu vas dans les magasins, les administrations et même à la messe, difficile d’accrocher un regard, un simple regard sans même espérer un sourire…mais non, rien de rien. On fait semblant de t’ignorer. Mais rassure-toi ce n’est pas parce qu’ils savent ou qu’ils soupçonnent (oui, soupçonner est le verbe adéquat) que tu es un étranger, car entre-eux c’est pareil. C’est déjà ça, car c’est pas marrant à vivre et en plus si tu soupçonnais que c’était par rapport à toi, il y aurait de quoi déprimer. Non, le Letton est morose, insensible, neutre de nature, extérieurement du moins et même avec ses congénères. Tu me diras : « pas étonnant lorsque tu connais leur histoire et avec la vie qu’ils mènent encore. Comment pourraient-ils sourire dans la galère où ils vivent ». Et là je prendrai leur défense en disant que les Français qui se plaignent, on devrait les envoyer dans une famille rurale en Lettonie, seulement une semaine ! Ils reviendraient heureux chez eux ! C’est pas ça le sujet. Je connais des pays aussi pauvres et même plus que la Lettonie comme la Roumanie ou la Moldavie, où les gens sont bien plus souriants qu’ici (normal, ce sont de Latins !)
Je t’ai déjà raconté que lorsque je me baladais ou que j’allais dans un magasin, j’essayais en permanence de captiver un regard et d’exploiter cette bénédiction du ciel pour essayer d’y caser un sourire latin. A force de persévérances j’ai réussi. Rarement, mais j’y suis arrivé ! Et même j’entretiens cette ambiance avec ceux et celles qui ont accepté de jouer le jeu ! Et j’ai même décidé de choisir les boutiques et les restos où les serveuses répondent à ton sourire, plutôt que de regarder les tarifs : La qualité de vie avant tout ! Oui, mais voilà….
Depuis mardi dernier je suis mal à l’aise…Pendant le cours de letton avec ma prof bien aimée Kristine (qui elle, sourit parce qu’elle a vécu en France !), Nous étudiions les formules de politesse et je m’insurgeais en disant qu’il n’y en avait pas besoin ici, car les civilités et les Lettons, ça faisait deux. Et je parlais de ce fameux look « porte de prison », le masque permanent. J’expliquais mon souci permanent d’essayer de décrocher des sourires. Elle m’a répondu que ça ne se faisait pas, que ce n’est pas bien... Que si tu souris à une femme, elle va penser que tu lui fais des avances……BOUM, prends-toi ça…C’est comme si j’avais reçu un coup de masse sur la tête ! Mais alors….Pour qui dois-je passer dans mon quartier ? Pour un dragueur, un Don Juan ??? Et alors, et celles qui répondent à mes sourires ? Non ? Pas possible ? C’est quoi ce pays ? Revenant à Grasi, encore estomaqué, je demandais plus de précisions sur ce sujet à ma conseillère en intégration, Elina. "En effet, me dit-elle, lorsque j’étais enfant, comme je suis souriante de nature, mes parents me disaient toujours qu’il ne fallait surtout jamais sourire, que ça faisait mal élevé…"
Ces jours derniers, lorsque je suis revenu en France après trois mois d’absence, je me trouvais comme parachuté au pays du rêve. Je ressentais un état d’apaisement en voyant les gens si agréables autour de moi. Cela commençait déjà à l’aéroport de Paris où tout le monde te souriait, te renseignait avec un sourire grand comme ça et puis ça continuait dans les rues, au magasin à Lombez, à Auch où on pouvait plaisanter avec la caissière ou la guichetière. J’avais déjà oublié ou pas pu comparer avec autant de recul… car ici en Lettonie, partout, c’est « la gueule » en permanence. C’est l’ambiance générale, cette ambiance pénible, lourde, ou tu préfères te passer de pain pour le repas, plutôt que d’aller affronter cette froidure de l’épicière…sauf…ouf, il y a quand même un sauf.
Une fois que les Lettons sont devenus tes amis, une fois que tu les as apprivoisés, là, ils quittent leur masque et deviennent très souriants, agréables, chaleureux, et peut-être même plus que les latins…mais il faut ce le gagner…Petit à petit, je fais mon trou, ma place dans ce milieu qui peut paraître hostile vu de l’extérieur et de l’intérieur aussi d’ailleurs…sauf qu’en y vivant, on fini par entrevoir les brèches où il faut faire l’effort de se faufiler. Il est possible d’y trouver des vrais amis comme je commence à en avoir pas mal dans le pays…alors qu’ils ne m’en veuillent pas d’avoir essayé de percer « le mystère du masque de fer letton ». Mais peut-être qu’après tout n’est-ce que du laiton, un métal malléable et tendre ? et peut-être souffre-t-il eux même d’être obligé de mettre le masque chaque fois qu’ils sortent de chez eux…Alors bas les masques ! Un nouveau projet pour la Lettonie !!!
Conclusion : je continuerai quand même à sourire, NA ! faire la gueule en permanence me demande trop d’effort et puis, je risquerai d’oublier, je suis si distrait…