Bien que ces textes aient été déjà publiés sur mon journal en 2005, j'en remets une couche en l'honneur de notre maire qui a décidé de ne pas se représenter après un laps de temps au pouvoir de notre petit village ("laps" à l'échelle d'un millénaire bien entendu !)
Maxime tout le monde le connaît, il est maire de Sabaillan dans les coteaux du Gers depuis le Rey Cezet (Probablement du temps de la construction de la villa gallo-romaine de Montmaurin ou de Séviac), Oh oui ! Au moins ! Maxime c’est le Patriarche de Sabaillan, le Noé de Sabaillan. D’ailleurs lorsqu'un Sabaillanais se présente, il ne dit pas « j’habite à Sabaillan », mais plutôt : « Souill d’inta lé matssimé ! » (je suis de chez le Maxime) et là tout le monde comprend.
Nous avons fait un bout de chemin ensemble ou plus tôt deux: le premier lorsque j’étais tout jeune paysan, c’est dans son entreprise de moissons « La batuso dou pourrrriché » que j’allais gagner 4 sous en conduisant les « Grandes Jaunes ».
Ce fut en deuxième lieu l’épisode passionnant où je fus conseiller municipal à ses côtés. Mais aux dernières élections, ne voyant toujours pas de femme entrer au conseil, je décidais de ne pas me représenter pour laisser ma place à ma fille aînée qui devint ainsi la première femme conseillère de l’histoire de Sabaillan. A Sabaillan, chacun des administrés de Maxime aurait au moins cent péripéties ou souvenirs à raconter. Il fait partie de notre histoire, de notre culture, de nos coutumes, de nos traditions. On doit écrire un livre sur lui pour la postérité ! J’ai déjà quelques matières pour commencer:
Tout le monde à Sabaillan connaît la conduite distraite de son maire, si bien que lorsqu’on aperçoit la 405 grise, qui doit avoir le même âge que lui, on se serre sur le bas côté et on attend qu’il passe en faisant une prière pour qu’il ne soit pas entrain de regarder dans les champs, des fois qu’il y apercevrait un tracteur, une moissonneuse ou une pelle mécanique. D’ailleurs il n’a que des 405 grises. A savoir s’il ne fait pas comme le copain d’André Cierp** qui changeait souvent de Traction Avant (un très ancien modèle de chez Citroën) et pourtant elles portaient toutes la même immatriculation. Il ne faisait que passer les plaques de l’une à l’autre. Mais non, j’exagère, Maxime, lui, il ne fait pas ça, parce que des 405 grises, il en a plusieurs à la fois, pour les pièces de rechange sans doute. C'est un sacré bricoleur !
Je me souviens de cette fin d’après midi où il passa me prendre à la maison pour aller assister à une réunion à la salle Beaudran de Mirande. Ce voyage qui date d’une dizaine d’années m’a tellement marqué, que je me souviens encore du sujet : L’intercommunalité. Mais c’est du voyage aller, de ces interminables 40km, dont je me souviens le plus. C’est bien connu Maxime conduit sa voiture comme sa batteuse et lorsque nous abordâmes les virages de Seissan, avec le soleil couchant de face, le pare-brise d’une soirée d’été, plus la conduite de Maxime : trois éléments qui, rajoutés bout à bout, m’auraient fait accepter l’extrême-onction si on me l’avait proposé à ce moment là. Nous primes sur la gauche, que dis-je, sur le bas côté gauche, chacun de cette multitude de virages, qui ce soir là me parurent aussi longs que le plus long des cauchemars. Ceux qui connaissent comprendront, les lacets sont sans visibilité. Et à chaque virage je pensais : « Pourvu, pourvu qu’il n’y ait pas une voiture en face ! » et n’en pouvant plus, je lui demandais : « ça va Maxime ? », « Tio ! ni besi pa ren M…D… » (oui, je n'y vois rien MD !) me répondit-il. Mais finalement, comme avec Maxime tout s’arrange toujours aussi bien que les affaires de la commune, pas une voiture ce soir là ! Quelle chance, mais quelle trouille !.
Une autre : Maxime savait que je m’intéressais bien au développement local, donc, chaque fois qu’il y avait une réunion sur le sujet, il passait me prendre… Par exemple pour cette réunion de campagne électorale à Simorre où Président du Conseil Général, député, sénateur de l’époque étaient là avec toute leur cour pour soutenir la candidature de notre candidat local. Un beau panel face au public. Avec Maxime on était arrivé un peu trop tôt donc on s’était mis devant, côte à côte, sur la première rangée de siège. Mais tout le monde sait que Maxime est un homme hyperactif et dès qu’il se relâche un peu, Pof ! il s’endort. Donc, lorsque la réunion commença, je le réveillais et il tint les yeux ouverts au moins un quart d’heure. Je le guettais un peu du coin de l’œil, le connaissant tellement bien. Et peu à peu, je vis d’abord les paupières se laisser aller, de temps en temps un petit soubresaut lui permettait de tenir 30 secondes de plus, puis progressivement c’est la tête qui partait de l’avant et cela dura toute la réunion. Et pour qu’il garde toute sa dignité de représentant de notre commune qu’il est, je passais toute la réunion à lui donner des petits coups de coude sous l’œil amusé des quelques hauts dignitaires et prétendants au trône qui étaient face à nous, juste séparés d’une table nappée de blanc. Ce serait trop long, mais j’en ai plein d’autres comme ça.
Maxime voyant le temps passer, dit toujours : « Oh, cette fois-ci, je me suis représenté, mais j’aurai du le laisser. C’est vrai que j’ai Danielle, notre secrétaire qui m’aide, mais il y a des coups où ils te feraient tourner en bourrrrique. Il y en aurait de quoi tout laisser là ! Par exemple cette histoire des poubelles, ce p… de Sivom ou celle de l’intercommunalité… » Il dit chaque fois ça, mais chaque fois qu’une nouvelle élection arrive : « Ho ! Finalement, maintenant que je suis à la retraite, je pourrais faire un coup de plus ! ». Je crois qu’il va nous faire le coup à la prochaine et peut-être même à l’autre. En fait, Sabaillan va bientôt être mondialement connu pour son maire…centenaire ! On s’amuse bien de Maxime, c’est parce qu’on l’aime bien ! Un petit village c'est comme une famille, tout le monde se connait. Je suis sûr qu’il a envie de venir en Lettonie pour voir les moissonneuses, ça l’amuserait. Il est déjà allé en Hollande ou au Danemark voir la construction des « Grandes Jaunes », mais des soviétiques, je suis sûr que ça lui plairait. Tu peux venir Maxime, je t’invite ! d’ailleurs, on pourrait organiser un voyage de Sabaillannais ici à Grasi, on a de la place au manoir pour loger une bonne partie du village !
Pour moi, Maxime est devenu « Sabaillus Bonus Maximus Dominus», un personnage important de mon livre « Contes, Comtes et Comptes Gascons » en vente on ne sait plus trop où maintenant ? Peut-être en reste-t-il en Suisse ou au Japon ? ou au Syndicat d’Initiative de Lombez (même pas de website. Et alors ???) ou bien chez moi, j’en ai encore un petit stock
Souvenirs : J’ai choisi de dédier cette journée à Maxime. Alors pour finir, voici un petit texte, tiré de mon bouquin, écrit à la gloire de Maxime, notre maire depuis…Hou là ! Encore plus que ça ! Oh oui, tu te rends compte, la grande qui est conseillère municipale n’était pas née ! On n’était même pas encore marié ! Oh oui, au moins ! Au fait c’est même lui qui nous a marié…Texte que Maïa l’abeille, qui butine les informations dans notre vallée, avait publié sur la Dépêche du Midi en 97:
Sabaillan sur Nature, Paradis expérimental n° 00002: Au cours du premier siècle après Jésus-Christ, alors que le Sud de la Gaule (Vasconnie) est déjà Romain depuis quelques décennies (l’Occitanie), l’empereur Néron, fils d’Agripine, donna ordre à Sabaillus Bonus Maximus Dominus de prendre possession d’un petit territoire dans les coteaux entre Save et Gimone. Là, une poignée d’irréductibles Gaulois avait jusqu’alors réussi à déjouer tous les plans du stratège Technocratus Nordicus Desertificatus.
Sabaillus Bonus Maximus Dominus, démocrate et diplomate réussit sa mission et transforma rapidement toutes les énergies locales revendicatives en énergies créatives. La famille Sapalii s’installa donc en ces lieux divins par la vox populi… Le petit village s’organisa et devint le domaine Gallo-Romain Sapallianus Fondus, rebaptisé Sabailhan jusqu’en 1789, puis Sabaillan et désormais, "Sabaillan sur Nature". On y vénéra le dieu Mercure, dieu du commerce, dont une statuette a été récemment retrouvée près de l’église actuelle du village par l’association Archéosavès (association archéologique locale). Elle est actuellement conservée "au musée" de Lombez. (Hé ! MAXIME ! tant que j’y pense, on pourrait pas se la reprendre dans notre mairie cette statuette ? Après tout elle est à nous, non ? Va voir Jean Jacques et dis lui ! Et il a pas intérêt à râler !)
Ainsi, petit à petit, d’une volonté collective, loin de toutes nuisances d’un monde virtuel, dans ce « trou de la France profonde », se créa un véritable petit paradis. Il est actuellement en train de se repeupler. La réussite, nous la devons surtout à l’astuce, l’audace et le travail opiniâtre de notre brave Sabaillanus Bonus Maximus Dominus. Il avait diagnostiqué l’échec de nos ancêtres Adam et Eve. Il suffisait simplement, par arrêté municipal, d’interdire la plantation des pommiers pour éviter les pépins ! Son petit peuple veut maintenant essayer de faire partager sa découverte et son savoir pour les siècles futurs. Il fut donc décidé de créer une « salle de découverte » (c’est le nom de la salle des fêtes de Sabaillan)
Ben non, malheureusement, Sabaillan n'aura pas un maire centenaire. Aux élections du 9 mars, notre Maxime nous laisse tomber. Il ne se représentera pas...
Merci Maxime !
**Feu André Cierp qui était mon voisin et mon ami... Un des nombreux troubadours et philosphes sabaillanais qui forgèrent mon jeune esprit de paysan. Il colportait, entre-autres, des dictons gascons du genre:"Le plus embêtant ce n'est pas de mourrir, c'est de rester mort !", "Celui qui travaille mange la paille, celui qui ne fait rien mange le foin !", "L'argent, ce n'est pas que j'en ai besoin, mais tout le monde m'en demande !" etc...