Les évènements se suivent et se ressemblent ! Ce soir je me retrouve tout bête devant mon clavier avec une seule main + un index... Après avoir évité de peu l'explosion de mon soviet-immeuble la semaine dernière, après avoir détruit mon appareil photo il y a quelques jours, la série noire continue: j'ai une main au plâtre... Hier matin j'avais glissé sur le verglas et un de mes doigts avait sale mine. Cet après-midi, je transportais Valda notre comptable bien aimée à l'hôpital pour une visite suite à une cheville foulée en glissant sur le verglas (phénomène naturel en Lettonie !). J'en profiterai pour montrer aussi mon doigt.
A l'hôpital: Comment se passe une telle démarche en Lettonie, à l'hôpital de Madona ? Tu entres par une porte qu'il faut déjà savoir que c'est là, sinon tu ne le croirais pas. Tu entres dans un couloir avec plusieurs intersections qu'il faut y être né pour ne pas s'y perdre. Et là, tout au fond, commence une vie de fourmilière. Une queue devant des guichets soviétiques, comme à la poste autrefois chez nous. Là il faut donner ton passeport, essayer d'expliquer que tu es étranger et que tu n'as pas de compte chez eux. Alors en réfléchissant longuement, la dame qui sourit à la lettone, finit par taper un truc sur son ordinateur passeport en main, ne comprenant pas quel est le nom ou le prénom et... miracle, mon nom y apparait ! C'est en effet la troisième fois que je viens en touriste, mais je ne pensais pas déjà être fiché par le KGB de l'hôpital. Si, Si ! Cela simplifiait la tâche de cette bonne dame sérieuse comme une porte de prison (expression française) qui avec un n° sur un papier arraché d'un carnet à souches partit à la recherche de mon dossier dans la grande salle d'archives de son arrière boutique. Elle revint au bout de 2 ou 3 mn avec mon fameux dossier perso. Après avoir expliqué enfin pourquoi je venais, elle me donnait une fiche avec le numéro de la porte correspondante, une autre fiche sortie d'un autre carnet à souche avec un numéro d'ordre, qui suivait heureusement celui de Valda. Et pour finir, une dernière feuille pour passer à la caisse, sortie d'un autre carnet à souche avec papier carbone. Mais on ne paie pas là, c'est ailleurs.
Nous allions donc kopa (ensemble) à la caisse qui est un autre petit kiosque derrière les vestiaires avec juste un finestrou de 25x25. On aperçoit juste le bout du nez de la caissière assise dans sa tutte près du vieux coffre-fort aux couleurs soviétiques (vert armée pour mieux se fondre dans la nature et détourner l'attention). Après avoir rempli deux ou trois fichiers avec carbones, elle annonce le tarif sans vous regarder: 6,5 ls (l'inflation galopante ! l'an dernier je n'avais payé que 2,2 ls !!!). "Paldies Jums" (Merci à vous !) fit presque sursauter la dame qui me fit alors son plus beau sourire ! Sans doute la première fois qu'on lui disait merci alors qu'elle est là pour faire payer ! les clients Lettons ne sont pas dupes ! Et me voilà avec le précieux ticket de caisse.
Nouvelle étape, les vestiaires. Manteaux interdits. Et comme à l'opéra, une pauvre dame qui serait bien mieux à la retraite si elle le pouvait, prend ton manteau et te donne un ticket métallique sans daigner jeter un regard sur toi. Puis, direction la porte en question dans un immense couloir qu'on imagine que c'est là puisque les murs des deux côtés sont agrémentés de rangées de chaises. Des gens y font la queue par lots, en fonction du n° de la porte figurant sur leur petit papier auquel s'est rajouté le ticket de caisse sans lequel la première démarche serait nulle. C'est bien là, porte 103 car les patients qui s'y rassemblent se ressemblent: béquilles, mains bandées, bras en écharpe, jambes raides... Plus loin, c'est la porte de ceux qui toussent. Ils sont assez loin de nous, heureusement. Demi heure, et c'est à nous !
Après Valda vient mon tour. Je reconnais le médecin qui m'avait recousu l'arcade sourcilière l'an dernier. Pas un seul signe de politesse et avant de me regarder, il me prend la liasse de documents des mains, met des coups de différents tampons, des grands, des petits sur les papiers qu'il passe au fur et à mesure à la secrétaire-assistante-infirmière assise face à lui sur le même bureau. Elle y appose aussi des tampons. Pas d'informatique, mais beaucoup de paperasses sur cette table faisant office de bureau. Environ 5 mn s'écoulent avant qu'il n'ouvre mon dossier, jete un oeil sur mes précedentes visites, puis à ce moment là, relève la tête, me regarde (enfin !) d'un air interrogatif: "Qu'est-ce qui vous amène ?" Il sait que je ne comprends pas bien, alors de temps en temps, il reformule en anglais, mais pas souvent. Mais qu'importe, même sans explication, il se rend compte de la situation très rapidement. Il faut une radio, il y a sans doute plus qu'une foulure... Ordonnance sur un carnet à souches en deux exemplaires et me voilà reparti au point de départ. Le guichet des entrées.
Guichet des entrées, phase 2: encore la queue, et lorsque mon tour revient, même pas un sourire d'étonnement du genre "encore vous ?", non, même pas un regard. Encore deux ou trois carnets à souches. Les radios actives doivent être bien surveillées ? S'il y a surdosage de radioactivité ils auront vite fait de retrouver qui y a participé ! pensais-je. Et une dernière fiche avant de repartir au poste n°2, le kiosque de la caisse près des vestiaires: 4,5 ls et un deuxième ticket de caisse. Un deuxième "Paldiès" et un deuxième "Ludzu" accompagné d'un sourire illuminé (étonnant ces étrangers ?)
Valda qui m'accompagne en boitillant, demande la route de la salle de radiologie. Apparement ce n'est pas simple pour y aller. Effectivement il faut traverser les vestiaires puis prendre le couloir avec une porte automatique ! Anachronique mais bien réel ! et elle s'ouvre devant nous, ça marche. Oui, ça marche longtemps. Et on bifurque ici ? non, ce n'était pas là. Alors peut-être par ces escaliers ? oui, il y a une flèche ! Radio qui est un mot international sauf en Lettonie, alors j'ai du mal à suivre. Je me laisse guider par Valda. Nous voilà au sous-sol après avoir sans doute traversé tout l'hôpital dans ce labyrinthe interminable. Et ce n'est pas fini. Allez on se trompe encore un petit coup. Allez ! Apparement ici, les locaux viennent d'être refaits à neuf mais pas le plan des couloirs sans doute ? Tiens, une porte ouverte et j'aperçois un scanner !!! On n'arrête pas le progrès ! Madona a maintenant son scanner ? Super ! Mais ce n'est pas la salle que nous recherchons... Plus loin en tournant à gauche, là, des chaises ! "Ce doit être là ?" dit Valda qui ne parle que letton, mais la connaissant bien, avec elle on se comprend ! on s'assied quelques minutes. "Personne ?" elle frappe à la porte. Rien. Alors elle se lève à nouveau et entrouvre la porte. Personne. "Nous entrons", dit elle. Effectivement, on ne vient pas vous appeller, Il faut entrer sauf s'il y a quelqu'un entrain de se faire radiographier. Ce serait indescent, mais comment le savoir ? Il doit falloir être soviétique pour le deviner ? je ne sais pas. Dans l'autre pièce que l'on va apercevoir après avoir traversé toute la salle des machines, un dame aussi souriante que les autres prend la liasse de paperasses et commence à éplucher les fiches en y apposant les tampons. Après avoir lu ce qui m'arrivait, elle chassa Valda de la salle, au titre qu'elle n'était pas de ma famille ( Elle aurait pu voir ma main toute nue ?) et installa mon doigt sous les feux de la rampe pour deux photos bien réussies ! pour 4,5 ls soit 7,2 € malgré l'inflation, c'est donné ! 10mn d'attente dans le koridori et voilà la radio sans aucune explication, sans même une enveloppe, le papier étant réservé sans doute aux carnets à souches ?
Retour à la case 103: Muni des radios et des fiches dûment tamponnées, nous voilà repartis pour la suite de l'aventure. On ne se perd qu'une fois au retour. Valda a un sacré sens de l'orientation ! Et retour devant la porte 103 avec une queue de canards boîteux qui s'est rallongée depuis notre premier séjour. Mais au bout de deux clients, le docteur sort, m'aperçoit et me donne la priorité. Pas rigolo mais sympa quand même ! Il observe la radio "Ja problemu, Ir, ir... tur, ja, tur." Effectivement près de l'articulation de deux phalanges, on voit très nettement un petit bout de squelette qui se balade seul, sans attache. Bon... moi qui m'attendais juste à un ligament étiré... Tampon, synthèse d'une page écrite à la main avec carbone sur un carnet à souche. Une goutte de colle sur le coin d'une page de mon dossier. Il colle sa feuille qui dépasse la dimension du carnet. un coup de ciseau pour arranger ça et hop, il m'envoie avec son assistante en salle de plâtrage. Je ne démissionne pas de ma campagne de civilité, je lui serre la main avec un grand Pladiès !
Salle de plâtrage. Un petit réduit morbide sans fenêtre. Une vieille commode déformée, au placage décollé par l'humidité, sert d'unique meuble où je dois poser mon bras allongé durant la préparation. Une vieille bassine qui devait être émaillée à l'origine, sert à tremper les bandelettes de plâtre. Mise en place. "Il faut attendre pietci minouti, 5mn" et la dame s'en alla et ne revint que 20mn plus tard. Le plâtre avait eu le temps de bien sécher ! On bande le tout et hop, sur un petit papier elle écrit 5 ls. Direction la caisse...qui est fermée ??? Comment faire ? On revient au guichet de l'entrée. Ouf, il y a une caisse là aussi ! Les derniers 5 ls réglés en espèces bien entendu (ici c'est le seul moyen de régler, les chéquiers n'existent pas, les cartes ne sont pas acceptées partout), un troisième ticket de caisse en souvenir et hop ! c'est déjà fini !
Lorsque nous sortons de ce labyrinthe administratif il fait déjà nuit ! Le manège aura duré l'après midi pour seulement 16 Ls soit 25,6€. Ce n'est pas cher. A ce prix, qu'est-ce que tu as en France ? une visite chez un généraliste ? Je vais quand même tenter de me faire rembourser par ma caisse à mon retour en France. A savoir si 3 tickets de caisse et une radio leur suffiront ?
Il faudra que je demande à ma fille si c'est pareil à l'hôpital de Lombez ? Sauf que l"hôpital de Madona c'est l'équivalent de Purpan ou Rangueuil... Madona étant la capitale régionale.
Voilà, ma main gauche est prisonnière pour au moins 15 jours. Un plâtre costaud, à la soviétique. Heureusement que l'index est libre et me permet quand même de taper sur le clavier.
Ce soir c'était l'anniversaire de Vitolds. Nous avons eu droit à la grande fête habituelle. Mais sans mon appareil photo... Heureusement Aude est arrivée de Paris pour 15 jours. Elle a un joli appareil ! je lui demanderai des photos. Nous avons aussi pour quelques jours, David, un jeune américain qui fait partie de l'équipe de tournage d'un film. Il vient de Lituanie et rejoindra son équipe en Estonie la semaine prochaine. Demain soir, présentation du projet "Moldavie" à tous les plus jeunes à Klavas. Dzintra sera là.